Journée nationale de la laïcité : un principe abstrait pour les enfants

À l’occasion des 120 ans de la loi de 1905 séparant l’Église et l’État, les élèves de l’école Anatole France à Mériadeck ont participé à la plantation d’un arbre en hommage au principe de laïcité. Des professeurs reviennent sur la manière d’enseigner cette notion complexe. 

 Sur l’esplanade Charles de Gaulle à Bordeaux, l’arbre de la laïcité est décoré des définitions des élèves de l’école Anatole France. ©Gabriel Dubreuil 

« Notre France a besoin de paix, c’est pour ça qu’existe la laïcité, pour que tout le monde soit en paix avec ou sans religion », chuchote au micro un garçon d’une dizaine d’années. Les sourires se lisent sur le visage des adultes présents ce mardi 9 décembre sur l’esplanade Charles de Gaulle à Mériadeck. Dans le cadre de la Journée nationale de la laïcité, la DDEN (délégués départementaux de l’éducation nationale) poursuit la tradition instaurée par Guy Georges en 2010, qui vise à planter un arbre chaque année le 9 décembre en commémoration de la loi de 1905. 

Les CM2 de l’école Anatole France ont été convié·es par l’association pour mettre en terre l’arbre sur l’esplanade. Les discours s’enchaînent sous la tente prévue pour l’évènement. Après les paroles du président de l’association, Jacky Nouveau, et du maire de Bordeaux, Pierre Hurmic, le directeur académique de la Gironde, François Xavier Pestel, donne la parole aux enfants. Tous·tes ont écrit leur conception de la laïcité sur de petits papiers et les ont accroché sur l’arbre. 

Les écolier.ères et le maire, Pierre Hurmic, ont planté l’arbre de la laïcité ensemble sur l’esplanade Charles De Gaulle. ©Anna-Lou Gallay 

Ces mots ont été préparés avec le maître Sylvain Marsaud, lui aussi directeur de l’école : « On a étudié la laïcité toute la semaine dernière en cours d’histoire notamment avec le chapitre sur l’école de la République. » Pour lui, ce thème reste complexe à expliquer à de jeunes enfants sachant que la religion est méconnue pour un certain nombre d’entre eux. En France 51% de la population des 18 à 59 ans se déclare sans religion selon une étude de l’Insee de 2020. Cette année, les élèves « se sont bien emparés du concept » indique t-il, un sourire au coin des lèvres. Pour arriver à expliquer cette idée parfois floue, Sylvain Marsaud mise sur le concret : « Je leur donne des exemples, comme le spaghetti géant. Ça marche toujours », glisse le maître avant de repartir à l’école avec sa classe.

« Comprendre la laïcité n’est pas simple » 

Charles Mercier, enseignant en master MEEF (Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation) à Bordeaux et spécialiste de l’enseignement des faits religieux et de la laïcité, est un adepte de ce genre d’exemple pour parler de cette notion aux enfants. « La laïcité est complexe. Pour la faire comprendre aux enfants, il faut parler de cas concrets. » 

Même constat pour Jean-Pierre Moisset, maître de conférence en histoire contemporaine à l’Université Bordeaux-Montaigne  : « comprendre la laïcité n’est pas simple parce que le temps est passé par là et que le terme a été instrumentalisé par les politiques. » Pour les deux enseignants, parler de laïcité aux enfants est primordial car ils peuvent être confrontés à ce principe dès le plus jeune âge. « La loi du 15 mars 2004 sur les signes religieux ostensibles s’applique à l’école primaire », rappelle Jean-Pierre Moisset. Pour l’enseignant, faire comprendre à un enfant ce qu’est la laïcité est possible seulement en re contextualisant la notion d’un point de vue historique.

Enseigner la laïcité aux enfants : un sujet qui divise

Tous·tes les enseignant·es ne partagent pas le même avis. « Moi, j’aurais plutôt envie de les laisser tranquilles », affirme Hélène Katz, enseignante d’éducation morale et civique au Collège Jean Jaurès de Cenon depuis 15 ans. Selon elle, parler de laïcité trop tôt pourrait être contre-productif : « ça peut créer des questionnements auxquels ils ne pensent pas quand ils sont ensemble. Je ne suis pas sûre qu’il faille vraiment réexpliquer tout le temps la loi. »

Gabriel DUBREUIL et Anna-Lou GALLAY

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