Journée mondiale de la lutte contre le sida : mieux informer pour moins discriminer

En France, les personnes porteuses du VIH ont accès à des traitements antirétroviraux afin de combattre le virus, ce qui devrait leur assurer une vie normale. Et pourtant, iels doivent faire face à de nombreuses discriminations. Témoignage et analyse. 

A l’occasion de la journée mondiale de la lutte contre le Sida, une table ronde organisée par l’association AIDES réunissait des spécialistes pour discuter des représentations et discriminations lorsque l’on vit avec le VIH. Dans l’amphithéâtre Simone Veil de l’Institut d’études politique de Bordeaux, l’étudiante qui anime la conférence rappelle que de nombreux enjeux sont perturbés voire remis en question dans la vie d’une personne séropositive. Gaël Cail, le président de AIDES Nouvelle Aquitaine introduit son propos en énonçant des chiffres frappants: 25% des Français seraient gênés à l’idée de travailler avec un séropositif.  85% des personnes interrogées pensent qu’elles peuvent attraper le sida en ayant un rapport non protégé avec une personne séropositive. Un dentiste sur trois refuse des soins avec une personne vivant avec le VIH. Tout au long de la table ronde, les différents types de discriminations sont passés en revue : rejet dans le cadre personnel, discrimination au travail, à la banque ou encore lors des demandes d’accès aux soins et demande d’asile. 

« La lutte contre le Sida est aussi une lutte sociale et politique »

Pour Chloé Le Gouëz, responsable du plaidoyer santé à AIDES, ces préjugés sont surtout très vif parmi les jeunes. Et pour cause, elle déplore un manque de volonté politique en matière de campagne d’information: « Ces préjugés sont maintenus par une méconnaissance. » Quand Emmanuel Langlois, maître de conférences en sociologie au centre Emile Durkheim prend la parole c’est pour dénoncer le fait que rien n’a changé: « Lorsque j’écoute ces témoignages, j’ai l’impression de relire ces entretiens d’il y a 25 ans qui fournissaient mon travail de recherche. Sauf qu’aujourd’hui la dsicrimination est un sujet central et sensible, mis sur la table par plusieurs mouvements communautaires. » Pour lui, la lutte contre le Sida est aussi « une lutte sociale et politique. »

La question du rejet

Quelques heures avant, dans un café du quartier Saint-Michel, Emma raconte les discriminations subies par son conjoint, James, originaire du continent Africain qui a découvert sa séropositivité en 2011 : « C’est tellement important de sensibiliser à cette maladie parce qu’il faut se rendre compte que ça ruine des vies. En tout cas, le sentiment général de mon copain c’est la peur d’être rejeté ou violenté. » Elle déplore le fait que, bien souvent, les autres le traitent différemment. « Les médecins recommandent même parfois de ne jamais en parler » explique-t-elle. 

La Bordelaise raconte qu’il y a aussi beaucoup de discriminations dans le milieu sportif : « Il y a des gens qui n’acceptent pas vraiment que tu fasses partie de leur club car ils ont peur d’attraper le virus. » Tout comme les intervenants de la table ronde, Emma déplore le manque d’information et d’éducation. Pour elle, il faut changer l’approche de cette maladie et la manière dont on fait de la prévention: « Les campagnes sont mal faites et néfastes car elles utilisent la peur. Résultat : tout le monde flippe face à celles et ceux qui sont porteurs de la maladie ! » Elle ajoute : « Je trouve ça incroyable qu’il n’y ait pas assez de publicité pour montrer que les personnes sous traitement ne peuvent plus transmettre la maladie, il faut s’en rendre compte! » Le couple essaye même d’avoir un enfant : « On a eu tous les feux verts des médecins » s’exclame la jeune femme avec enthousiasme. 

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Être étranger·e et séropositif·ve

James a dû faire face à une difficulté supplémentaire en tant que séropositif et étranger. « Dans son cas, il était possible de demander un titre de séjour vie privée vie familiale et soins »,raconte Emma. Mais cette dernière pointe du doigt le fait que cette démarche peut mettre un an à aboutir le temps que les médecins de l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration examinent le dossier médical. Elle en précise les conséquences : “Pendant tout ce temps, il n’y a aucune résipiscence. Donc tu restes dans l’inégalité pendant tout le traitement de ton dossier et tu ne peux même pas travailler.” La prise en charge médicale est tout aussi compliquée. Les étrangers porteurs de maladies qui ont l’AME (Aide Médicale d’Etat) peuvent avoir du mal à prendre des rendez-vous avec des professionnels: « Certains refusent des soins aux personnes qui n’ont pas la sécurité sociale ou une mutuelle privée. Sur Doctolib, d’autres se permettent de préciser qu’ils n’acceptent pas les bénéficiaires de l’AME ou de la complémentaire santé solidaire. »

Faire avancer la lutte

En réaction à ces discriminations, plusieurs actions sont menées par des associations pour accompagner les séropositifs. En plus de mener des actions de prévention, de sensibilisation et de dépistage auprès des populations les plus exposées, AIDES dénonce les lois qui peuvent être répressives pour les personnes séropositives. Chloé Le Gouëz explique que l’association travaille à « faire bouger la lutte » et à ce que les personnes vivant avec le VIH puissent faire valoir leur droit. L’infectiologue Mojgan Hessamfar clos la table ronde en expliquant que des organismes ont pour mission notamment comme l’URPS ML Nouvelle-Aquitaine d’accompagner les professionnels mal informés: « Les dentistes sont des scientifiques il suffirait de leur dire par A+B qu’ils n’ont aucun risques. » L’enjeu est donc de mieux informer la population afin de démystifier les stigmatisations autours des personnes séropositives. 

Ysé Rieffel & Maud Pajtak

Crédit Photo : Ysé Rieffel

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