¡Hola!, E kaaro, bon dia … tant de mots qui résonnent à Bordeaux. C’est bientôt la journée des langues maternelles et paternelles, l’occasion de revenir sur le paysage linguistique qu’offre la ville.
Plongez dans un festival de mots, de sons et de cultures car à Bordeaux, les langues maternelles et paternelles ne restent pas dans l’ombre ! Le 21 février, journée des langues célébrée par l’UNESCO, la ville honore sa diversité linguistique. Associations et partenaires locaux se donnent rendez-vous pour une semaine où chants, musiques, ateliers et conférences tissent un tapis multilingue. De l’espagnol au yoruba, du darija au catalan, la mairie de Bordeaux éclate de mille voix, prouvant qu’elle est loin d’être une ville unilingue.
Cet événement est l’occasion de revenir sur l’expérience de certains de ses habitants, fiers de partager leurs langues maternelles et paternelles.
Maria Santos-Sainz, hispanophone
Maria Santos-Sainz est maître de conférences à l’Université de Bordeaux Montaigne. Native de Madrid, elle vit et travaille désormais à Bordeaux. « J’ai appris le français dans le cadre de mes études. J’ai même écrit ma thèse d’abord en espagnol, puis celle-ci a été traduite en français« , confie-t-elle avec fierté.
Pourtant, elle avoue : « À Bordeaux, je n’utilise pas beaucoup l’espagnol. Il est rare que j’aie l’occasion de le parler en dehors de ma famille. » Elle confie n’avoir pas beaucoup d’amis hispanophone dans la ville.
Maria se remémore ses souvenirs d’étudiante avec nostalgie. « Il y avait un quartier à la gare qu’on appelait le quartier espagnol », raconte-t-elle. « Aujourd’hui, cet héritage se perpétue avec des petites boutiques et des peñas. »
Mehdi Ghouirgate, parle le darija
Mehdi Ghouirgate, également maître de conférences à l’Université Bordeaux Montaigne, nous plonge dans la langue darija, appelée aussi l’arabe marocain. « À Bordeaux, l’arabe est souvent qualifié de dialecte, utilisé principalement par les ouvriers depuis la première guerre mondiale« , expose-t-il. Il explique que dans le quotidien bordelais, la langue arabe trouve sa place dans les cadres informels, que ce soit au sein de la famille ou lors de rencontres au café. « La grande mosquée, dont l’imam est marocain, joue également un rôle essentiel en tant que lieu de structuration de la communauté », précise-t-il.
Mehdi avoue se faire souvent interpellé dans le tram. Avec humour, il confie : “j’ai la gueule de l’emploi, les marocains reconnaissent vite un membre de leur communauté, et ils me parlent en darija”. Cela lui crée un sentiment de fraternité, le premier contact lui paraît plus facile ainsi.
Découvrir le catalan avec Marc Audi
Marc Audi, également maître de conférences, est un catalan dans l’âme, né à Barcelone au sein d’une famille catalanophone. Dès son enfance, il acquiert aussi les deux autres langues principales, le français et l’espagnol. À Bordeaux, bien qu’il existe une communauté catalane, Marc n’y a jamais totalement adhéré, sa présence dans la ville se limitant à une partie de la semaine. « Je ne suis pas très impliqué dans ces cercles », confesse-t-il.
Il évoque également la manière dont ses étudiants ont appris le catalan, que ce soit par des souvenirs d’enfance dans des régions catalanophones, des migrations familiales ou encore des liens historiques avec l’exil républicain. « C’est tout un parcours de mémoire et d’identité qui se révèle à travers l’apprentissage de la langue catalane », déclare-t-il avec passion.
Marc discute parfois dans sa langue maternelle avec ses collègues. “Antoine Ertlé adore que je lui parle en catalan, cela lui permet de s’exercer dans cette langue”, dit-il, sa voix laissant transparaître un sourire. Le professeur termine avec fierté : “saviez-vous que l’enseignement du catalan remontait à plus de 50 ans à l’Université de Bordeaux ?”
Ines Frighetto est italophone et hispanophone
Ines Frighetto réside à Bordeaux depuis huit ans, ville dans laquelle elle est arrivée en tant qu’étudiante Erasmus. Elle est chargée des relations internationales de l’Université de Bordeaux Montaigne. D’origine italienne et ayant vécu au Chili jusqu’à l’âge de dix-huit ans, elle se considère comme bilingue, maîtrisant à la fois l’espagnol et l’italien. Dans son travail, elle pratique sa langue maternelle en raison de la présence importante d’étudiants hispanophones et italophones.
Ines souligne l’existence d’une communauté dynamique, animée par des associations qui mettent en avant la langue et la culture italiennes. En revanche, elle se sent plus proche des communautés chilienne et péruvienne. “Parfois, quand je suis dans le bus, j’entends des péruviens discuter entre eux ; ils ont un accent bien à eux. Cela me donne très envie d’aller leur parler, je me sens proche d’eux, mais je n’ose pas les aborder”, confie-t-elle avec humour et nostalgie.
L’importance de la Journée des langues maternelles n’échappe pas à Inès. Mariée à un Kabyle parlant le tamazight, une langue berbère, elle souligne la nécessité de mettre en lumière ces langues souvent “négligées”.
Pelumi est heureux de transmettre sa langue, le Yoruba
Pelumi Bello, étudiant nigérien porte un prénom chargé de sens : « Dieu est avec moi » dans sa langue maternelle, le Yoruba. Il habite à Bègles, dans une famille originaire du même pays que lui, le Nigéria.
Chez lui, le Yoruba résonne au quotidien, une langue qu’il pratique régulièrement avec sa famille, en particulier avec les aînés qui souhaitent transmettre cet héritage. Il a eu l’occasion d’entendre sa langue maternelle au marché des Capucins, où il croise souvent des personnes africaines.
Malgré l’existence d’associations parlant le Yoruba, Pelumi remarque que le public y est majoritairement âgé. “Je n’y trouve pas forcément ma place, car les personnes qui y vont sont souvent plus âgées que moi”, confie-t-il. Le doyen de sa famille d’accueil est très impliqué dans la transmission de leur langue, car il veut perpétuer cet héritage. Pour Pelumi, la Journée des langues maternelles et paternelles revêt une grande importance. Il se prépare même à animer une conférence pour partager son expérience et sensibiliser les gens à sa langue maternelle. Il est heureux de pouvoir contribuer à briser les stéréotypes sur son pays et de retrouver des compatriotes lors de cet événement. “Il y a beaucoup de clichés sur le Nigéria, peu de gens connaissent vraiment notre culture et notre langue” dit-il avec regret.
Kattalin Harispuru Diribarne
Arantxa Kurutcharry