Depuis janvier, Josef Helie affiche ses photos dans les rues de Bordeaux, puis sur son compte Instagram. Un moment du quotidien replacé ensuite par l’artiste dans le lieu auquel il appartient.
Minuit, place Meynard. Cheveux grisonnants, petites lunettes rondes. Hormis le pistolet à colle accroché à son sac à dos, rien n’indique qu’aux yeux de la loi Josef Helie est dans l’illégalité. Son méfait ? Accrocher des photos dans les rues de Bordeaux.
Ce soir, il prévoit de disposer deux cadres sur les murs du quartier. Le premier est une photo de jeunes filles assises sur un banc face à la flèche Saint-Michel. Josef Helie sait déjà où il veut le coller, il a repéré un bout de façade entre les bars Le Mondial et Chez Thérèse. À son arrivée petite déconvenue, « je ne pensais pas qu’il y aurait du monde à cette heure-ci ».
Le photographe ne s’en inquiète pas. Il pose son sac, sort le premier cadre, étale la colle au dos de celui-ci et l’appose à l’entrée du 29 place Meynard. Dans le bar à côté, personne n’a même remarqué la présence de Josef Helie, « tout le monde s’en fout » rigole-t-il. « La nuit il y a moins de monde, on est plus tranquille. Ça permet aussi de laisser sécher la colle ». Ces expéditions nocturnes lui permettent de trouver une certaine forme de sérénité.
La sérénité d’une photo exposée au regard des passants, en opposition à l’interminable défilé d’images sur internet. Aucun autre message n’est à trouver dans le travail de Josef Helie, « je veux juste faire sortir la photo du digital. Maintenant on crée tous des photos, des téraoctets que l’on ne regarde jamais. Les photos de Josef Helie tout le monde peut les voir. »
Josef Helie est un pseudo, « un personnage en cours d’écriture ». Sont-ils plusieurs ? « Peut-être ». Tous photographes ? « Non ils peuvent aussi être écrivain. » Josef Helie reste un mystère.
Placer les photos dans leur contexte
Seule certitude, le photographe aime replacer les choses dans son contexte, « c’est une intuition, j’ai toujours aimé ça ». S’il accroche, depuis janvier, des cadres dans les lieux auxquels ils appartiennent, Josef Helie est né à l’hiver 2012. Dans la rue des Étrangers, une photo représente un homme tournant à l’angle de la rue. Josef Helie s’installe face au poster et attend qu’un passant reproduise la scène, dans une mise en abîme en noir et blanc. En mars 2017, alors que le quartier a connu d’importants changements, le poster initial a disparu. Josef Helie revient sur les lieux et accroche la photo qu’il avait prise en 2012, créant un troisième niveau de mise en abîme.
Minuit et demi, l’artiste sort le deuxième cadre de son sac. Cette fois au 15 rue du Portail. Une fois encore, à côté d’une porte d’entrée d’immeuble, « j’aime bien faire des cadeaux aux gens ». Il presse ses mains contre le cadre, s’assure qu’il ne glisse pas et s’éloigne doucement. C’est fini pour ce soir, mais il l’assure d’un ton mi-sérieux « dans le futur j’aimerais qu’il y ait 10 000 photos de Josef Helie sur la planète ».