La propagation du coronavirus entraîne avec elle des problématiques qui dépassent l’enjeu sanitaire. Alors qu’un quatrième malade a officiellement été diagnostiqué en France, les témoignages se multiplient sur les réseaux sociaux pour dénoncer la hausse des discriminations anti-asiatiques depuis l’apparition de l’épidémie.
L’inquiétude augmente au même rythme que le nombre d’individus infectés. Avec plus de 6 000 contaminations, dont une à Bordeaux et trois à Paris, le nouveau coronavirus installe un climat d’angoisse au sein d’une partie de la société française. « Les gens ont en mémoire le Syndrome respiratoire aigu sévère (Sras), également venu de Chine, qui avait fait plusieurs centaines de morts dans le monde en 2003 » explique la journaliste Linh-Lan Dao. Une perspective préoccupante qui sert de prétexte aux actes xénophobes. « Lorsque les gens ont peur ils mettent leur rationalité de côté et font des raccourcis » fustige celle qui a recensé de nombreux témoignages de victimes de discriminations.
Un hashtag pour dénoncer le racisme
Les exemples sont visibles partout. Dimanche, c’est le Courrier Picard qui a suscité une vague d’indignation après avoir titré « Alerte jaune » sur sa couverture. Sur les réseaux sociaux, les blagues à caractère raciste se mêlent aux attaques plus directes envers la communauté asiatique accusée de propager le virus. Une forme de racisme dénoncée sur Twitter depuis l’apparition du hashtag #JeNeSuisPasUnVirus, lancé par une jeune femme désirant rester anonyme. Avec elle, de nombreux internautes témoignent quotidiennement d’insultes et des clichés racistes dont ils sont victimes.
Aurély fait partie des utilisateurs du hashtag. Depuis l’apparition du virus, la jeune femme d’origine asiatique observe une « intensification des actes racistes ». Elle raconte : « Dans les transports en commun, les gens me dévisagent sans arrêt. Je finis même par devenir paranoïaque. Je n’ose plus tousser en public pour éviter les remarques et les regards ». L’étudiante de 19 ans a décidé de partager son expérience sur les réseaux sociaux pour attirer l’attention sur ces attitudes décomplexées. « Je n’arrive même plus à me sentir en sécurité partout où je vais, le regard des autres me pèse. Je ne suis pas un virus. Je suis un être humain » clame-t-elle. Sur Twitter, des centaines de jeunes ont également exprimé leur exaspération.
Les réseaux sociaux, outil de lutte pour la jeunesse
Pour l’heure, si les actes rapportés conduisent à « une véritable inquiétude », il serait pourtant « inapproprié de parler de banalisation des discriminations anti-asiatiques », tempère Simeng Wang, chercheuse au CNRS et auteure du livre Illusions et souffrances. Les migrants chinois à Paris. Originaire de la ville de Wuhan, où est apparu le virus, la sociologue qualifie les récents faits de « manifestations du racisme ordinaire ». Mais elle rappelle les précautions à adopter au moment de tirer des conclusions, du fait de la faible part de la population connectée sur Twitter. « Avant d’arriver à ce constat, il faudrait également s’intéresser à ce qu’il se passe hors ligne, dans l’espace public, puisqu’une grande part de la population d’origine asiatique ne partage pas son expérience ».
Contrairement aux primo-arrivants qui s’expriment peu et se retrouvent parfois isolés, « les descendants de migrants s’engagent dans les luttes contre les discriminations ethno-raciales avec détermination » observe Simeng Wang. « Ils sont de fait plus visibles car il ne compte plus tolérer ces dérives ». Pour elle, les discriminations subies ne sont donc pas nouvelles mais l’épisode actuel « confirme un changement générationnel de comportement face à ces agressions ». Le hashtag #JeNeSuisPasUnVirus s’inscrit donc dans un mouvement général mené par les jeunes français d’origines asiatiques. « Ils se sont emparés des outils numériques pour interpeller la société au sujet des inégalités au travail, à l’école et maintenant pour dénoncer le racisme public » assure la sociologue. Le soutien obtenu sur les réseaux sociaux prouve une chose : le racisme anti-asiatique n’est plus pris à la légère.
Alexis Czaja