« Il faut changer sa vision de l’autre »

Pessac est pionnière dans son engagement pour la cause animale en France. Sylvie Vieu, adjointe au respect du vivant et à la cause animale, revient sur les initiatives à l’origine de ce succès et le besoin de médiation qui doit accompagner ces actions.

Sylvie Vieu, adjointe au respect du vivant et à la cause animale de la mairie de Pessac
Sylvie Vieu, Adjointe au respect du vivant et à la cause animale, l’alimentation durable et l’agriculture en ville. © Ville de Pessac

Au 10 décembre 2024, Pessac est 5e au classement « Une ville pour les animaux » établi par l’association L214. Elle se situe juste devant Bordeaux. Quelles initiatives ont permis à la ville d’être si bien classée ?

Nous avons choisi dès 2020 de créer un comité partenarial qui rassemble au moins tous les 6 mois les associations engagées mais aussi des élus d’opposition concernés par la cause animale. Notre objectif était de travailler avec eux et pour eux. Dès la première séance plénière, les acteurs ont voté trois objectifs à atteindre : la formation des agents municipaux sur la thématique animale, la sensibilisation des scolaires et une campagne de stérilisation des chats errants, qui constituent une menace pour les oiseaux. Pessac est allée plus loin depuis. C’est la première ville française à proposer une « fresque des animaux », sur un modèle proche de la fresque du climat [atelier de sensibilisation aux enjeux climatiques, NDLR], et l’un de nos agents de police est spécialement dédié à la maltraitance animale. Il formera par ailleurs ses collègues sur le sujet.

Dans un territoire périurbain comme Pessac, il y a des animaux de compagnie mais aussi des animaux sauvages ou nuisibles.  Comment Pessac aborde la question des nuisances qu’ils provoquent ? 

Contre les pigeons, nous utilisons des ballons attachés aux pieds de vignes qui montent haut et les dissuadent de rester. En revanche pour les sangliers, nous avons fait le choix d’arrêter de donner des autorisations pour des battues sur le territoire, hormis lorsqu’il est prouvé qu’il y a un réel danger. Nous privilégions un travail d’acculturation des Pessacais sur la cohabitation avec les sangliers. Il faut que les habitants comprennent que lorsqu’on s’installe dans un territoire périphérique, il faut faire avec les avantages mais aussi avec les inconvénients du lieu. Il est normal que le sanglier vienne sur leur terrain s’il n’est pas fermé par une clôture. Et c’est un sujet que les administrés comprennent mais il faut leur donner des explications.

Cette politique animale a-t-elle été critiquée par vos administrés ?

À l’occasion de la journée mondiale de protection des animaux, le 5 octobre dernier, la branche Éducation de L214 a présenté son exposition « Nourrir l’Humanité » à la forêt du Bourgailh. Des éléments de présentation ont été tagués. Quand le maire a pris la décision de bannir le foie gras des repas de la municipalité, nous avons subi de nombreuses critiques de la part d’acteurs du monde agricole alors que nous ne sommes pas contre le foie gras, mais contre l’industrialisation de la filière. Peut-être manquons-nous encore de formations sur ces sujets. Parmi les dix premières villes du classement L214, Pessac est la seule « de droite ». Mais pour la cause animale, la question de couleur politique est un non-sens. C’est un engagement qui va au-delà de ça. Nous sommes dans un travail philosophique qui est transpartisan. Je pense qu’il ne faut pas craindre son électorat, mais au contraire, prendre son bâton de pèlerin et chercher à le convaincre qu’il doit changer de regard. Ancienne institutrice, il m’arrivait d’écraser des araignées devant les élèves. Je ne peux plus faire ça aujourd’hui. Je me dis que ce n’est pas parce que je ne trouve pas ça beau que je ne dois pas le respecter. Il faut changer sa vision de l’autre.

Propos recueillis par Maël Brehonnet

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