Lundi 4 décembre, les parlementaires se sont prononcé·es à l’unanimité en faveur de l’interdiction de la vente de puffs. Francesca Pasquini, co-rapporteure du texte, dénonce un possible scandale sanitaire et environnemental. La députée des Hauts-de-Seine a accordé une interview à Imprimatur.
Pourquoi avez-vous choisi de vous engager sur le sujet de l’interdiction de la puff ?
La première raison correspond à l’enjeu de santé publique puisque ces puffs s’adressent essentiellement aux jeunes. Ce sont souvent des collégiens qui les utilisent.
La deuxième raison est celle de l’enjeu environnemental puisque à l’intérieur de ces puffs, il y a une petite batterie en lithium qui n’est pas ou très peu rechargeable.
Comment s’est déroulé le travail en commission pour ce texte ?
Nous avons déposé cette proposition de loi en novembre 2022. 166 parlementaires, issus de huit groupes politiques différents, l’ont co-signée. Cette proposition de loi est donc reconnue comme transpartisane par la commission des affaires sociales.
Nous avons fait tout un travail d’audition avec des acteurs de la santé, du recyclage, Action contre le tabac, des addictologues, des représentants du syndicat du vapotage et des buralistes. Notre texte visait au départ à interdire les dispositifs à usage unique, et nous avons ajouté le qualificatif “ou jetables” qui permet d’élargir l’interdiction aux puffs rechargeables. La mesure concerne uniquement les puffs pour pouvoir être plus facilement adoptée et appliquée rapidement.
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Nous avons travaillé avec Surfrider, une association de défense de la mer, de l’océan et des fleuves. Ils nettoient notamment le canal Saint-Martin, à Paris, où ils retrouvent des puffs dans l’eau. Les recycleurs nous ont expliqué que la prise en charge des puffs coûte très cher, car la batterie est solidaire de tout le dispositif. Ces déchets sont aussi très inflammables à cause du résidu de lithium. Par ailleurs, la quantité de lithium utilisée pour fabriquer des puffs en 2022 équivaut à 11 000 batteries de voitures électriques selon une étude réalisée au Royaume-Uni. [L’augmentation du nombre de vapes à usage unique envoie des tonnes de lithium à la décharge, NDLR]
Certains producteurs de puffs comme ANDS avancent un taux de recyclabilité de 99 % . Qu’en pensez-vous ?
Encore faut-il avoir les moyens de les recycler et ce n’est souvent pas le cas ! On n’est pas contre le vapotage, mais la puff est un contresens écologique. Si les vapoteuses rechargeables servent à sortir d’une consommation dangereuse, tant mieux.
Quels sont les risques de voir la mesure invalidée par l’Union européenne ?
Le travail du gouvernement est de construire un dossier solide après la validation du Sénat. Le gouvernement va ensuite notifier le vote de l’interdiction à la Commission européenne. À partir de là, la Commission européenne a six mois maximum pour répondre.
Cette notification doit expliquer l’exception française et montrer la non-interdiction dans les autres pays européens. Si la Commission demande des modifications ou si le pays souhaite un élargissement du dispositif, cela relance une procédure pour un semestre. La Belgique en est l’exemple. Ils avaient notifié leur interdiction à la Commission européenne et puis sont revenus sur leur dossier, les voilà repartis pour six mois !
Notre dossier pourra inspirer les autres pays, leur donner des bases pour formuler la même demande.
Après l’interdiction de la puff, l’objectif serait-il de s’attaquer à la cigarette ?
Non, avec Michel Lauzzana, on va se concentrer sur les autres dispositifs, qui sont un peu dans une zone grise, comme les sachets ou même les cure-dents de nicotine. Jusqu’à présent, ils ne sont pas interdits puisqu’ils ne contiennent pas de tabac. La réglementation ne s’applique donc pas pour ce type de produit.
On souhaite trouver un système qui va permettre de légiférer sur plusieurs dispositifs en même temps. La prochaine étape consiste à convaincre les collègues sénateurs et s’assurer de cette victoire au Sénat.
Recueillis par Athéna Salhi @Athena_Slh
Alexandre Tréhorel @alexandreTreho
Photo : LCP