Radio France est sur le point de fermer trois stations locales de FIP, dont celle de Bordeaux. Mais les auditeurs ne l’entendent pas de cette oreille et se mobilisent massivement pour préserver leur pépite.
« La douceur et l’universalité de FIP sont le refuge à la violence et à l’individualisme du monde ». Ces paroles d’une auditrice de 60 ans rejoignent les nombreux autres témoignages d’amour, de soutien, d’attachement à la station musicale. Ils se multiplient depuis que Radio France a annoncé la suppression prochaine des antennes locales de Strasbourg, Nantes et Bordeaux. Le groupe public veut, en effet, réorganiser son effectif. Plus de 30 000 personnes ont aujourd’hui signé la pétition contre cette décision. Une mobilisation d’une rare ampleur.
À entendre les auditeurs, c’est toute une façon de faire de la radio qui disparaît : un flux musical posé et éclectique, ponctué d’interventions impromptues présentant les événements culturels de la région. « FIP est une colonne vertébrale pour la création. C’est une radio qui ne te dérange jamais. Une main sur ton épaule, une voix qui te chuchote des infos à l’oreille », explique Philippe Guihéneuf, créateur de la pétition et du collectif FIP Toujours.
Relai local
Si la station restera bel et bien diffusée dans les zones concernées, son contenu sera désormais fabriqué intégralement à Paris. Subsistera seulement la diffusion de 2 agendas culturels locaux de 3 minutes.
Exit donc les 12h quotidiennes de prise de parole locale. « Ces interventions sont pourtant un vrai moyen de voyager dans les environs de chez nous. On entend parler de spectacles, de balades… Ça donne envie d’y aller ! La découverte n’est pas que musicale mais aussi culturelle. », poursuit Philippe Guihéneuf.
Stéphane San-Millan, historique membre du mouvement de soutien bordelais, approuve : « Les économies d’échelle se font au détriment de la culture de proximité. Si j’entends des informations sur les événements parisiens, je vais pas pour autant aller à Paris voir un concert ou une expo de peinture… FIP est un acteur majeur pour diffuser la culture localement et la rendre accessible. »
Ce n’est pas la première fois que le réseau, créé en 1971, voit certaines de ses stations locales supprimées. Bordeaux, Strasbourg et Nantes sont d’ailleurs les trois dernières villes à ne pas reprendre intégralement les émissions de Paris.
Hervé Marchais, journaliste spécialisé dans la radio à Lalettre.pro, se souvient de la suppression du bureau de Toulouse en 1997. Au delà d’être un simple relai, « FIP créait une animation du tissu culturel local, notamment en offrant des places de spectacle. Un grand manque s’est ressenti par la suite. Le mouvement actuel est équivalent, alors que l’audience des locales est pourtant au rendez-vous. » En effet, ce sont plus de 20 000 personnes qui l’écoutent chaque jour à Bordeaux, ce qui fait d’elle la 8e station la plus écoutée.
Mutations
À radio singulière, public singulier. Nous pourrions croire qu’il est plutôt adulte et instruit. Il est en réalité plus large et homogène, de 16 à 90 ans, fidèle et engagé. Conservateur aussi ? C’est du moins ce qu’écrit le directeur des antennes de Radio France, Frédéric Schlésinger, dans une lettre adressée en réponse aux collectifs.
Le principal argument invoqué par le groupe public pour justifier sa démarche est la mutation numérique : création de webradios thématiques, d’un nouveau site pour relayer la culture locale, ou encore le développement de la radio numérique terrestre. « Un acteur immobile est voué à échouer ».
Mais le groupe d’auditeurs sera-t-il plus fort que le groupe public ? Outre les milieux culturels, ils ont réussi à obtenir le soutien de politiques de tous bords. À Bordeaux, Alain Juppé, Vincent Feltesse ou Noël Mamère ont exprimé leur inquiétude.
.@alainjuppe « Je suis inquiet pour @fipradio à #bordeaux. J’ai écrit @mathieu_gallet et @AAzoulay en ce sens » @MinistereCC
— Gentilleau Estelle (@esgentil) 6 mars 2017
Dans les trois villes, les élus cherchent une sortie de crise… Pour que FIP ne devienne pas FIN.
Photo : Francis Bourgouin (CC BY-SA 2.0)