La dernière saison de “La Casa de Papel” est partout.
Véritable phénomène mondial, cette mini-série espagnole, diffusée sur Netflix, retrace l’histoire d’un braquage fou : celui de la Fabrique nationale de la monnaie et du timbre d’Espagne. Huit experts du vol, commandés par un énigmatique “Profesor” tentent d’imprimer 2,4 milliards d’euros, avec l’aide de salariés-otages de l’institution. Transposons un instant la série dans la vie réelle… Et si un groupe de braqueurs réussissaient ce coup de génie?
ARTICLE GARANTI SANS SPOILERS
Un gang de huit braqueurs imprimerait 2,4 milliards d’euros, intraçables, à la “Fabrica nacional de moneda y timbre” d’Espagne. Le plan initial de “El profesor”, se déroule comme prévu. Masques de Dali mis de côté, ces bandits potentiels réussissent à contourner les autorités monétaires, s’enrichir à l’excès, sans blesser personne, physiquement ou financièrement. Ils peuvent alors mener une vie faite d’îles paradisiaques et de cocktails à l’autre bout du monde.
2,4 milliards. La somme est presque dérisoire face aux centaines de milliards d’euros imprimés par la Banque centrale européenne. 185 milliards en 2012, 145 milliards en 2013… Entre 2015 et 2016, la BCE a imprimé plus de 700 milliards d’euros, pour lutter contre la déflation. En tout, 11 864 milliards d’euros circulent actuellement dans la zone euro. A priori, leur pillerie pourrait quasiment passer inaperçue.
Mais si les voleurs disparaissaient avec leur butin, n’y aurait-il vraiment aucun impact sur l’économie? Deux scénarios sont envisageables.
La BCE, mécontente, pénalise l’Espagne
Le pays fait partie de la zone euro, sa monnaie est donc commune à dix-neuf autres pays. À l’image de la “Fabrica nacional de moneda y timbre”, ils ont tous leur propre banque centrale. Mais elles n’agissent pas seules. Elles reçoivent des ordres d’une institution indépendante et régulatrice en Europe : la fameuse Banque centrale européenne.
Même si la population espagnole ferme les yeux sur le casse, la BCE sera elle aux aguets. Le pays aurait imprimé – à son insu – plus de monnaie que la Banque centrale ne lui a ordonné. Elle pourrait alors lui imposer de ralentir sa production de monnaie. Les banques espagnoles se retrouveraient avec un manque de liquidités et accorderaient moins de crédits, ou alors à des taux d’intérêt plus élevés… (voir encadré)
Les entreprises se verront refuser des aides. Elles pourront moins investir, donc moins produire, et créer moins de richesses… Dans le pire des cas, elles pourraient se retrouver obligées de licencier ou freiner l’embauche. Ces effets ne seraient toutefois par persistants sur le long terme.
Une crise financière frappe l’Europe
En fait, le risque de ce casse réside surtout dans l’usage qui sera fait de cette monnaie illégalement imprimée. Imaginons que les braqueurs aient des intentions plus anarchiques. Pourquoi pas dans ce cas, chercher à déstabiliser le marché financier ? Pour cela, rien de tel qu’une bonne spéculation sur le marché financier. Les voleurs pourraient investir leur fortune sur des obligations d’État espagnol, ce qui attiserait l’intérêt de nombreux investisseurs. C’est le début d’une bulle spéculative, causée par la surévaluation des obligations d’Etat espagnoles. Leur cours pourrait grimper tellement haut, que la baisse serait à un moment donné inévitable et entraînerait la fin d’une phase d’euphorie financière. Pour anticiper la crise, les investisseurs seront contraints à revendre massivement leurs titres, signe d’une confiance perdue envers la dette espagnole.
Le pays se retrouverait en crise “de la dette souveraine” (comme l’a été la Grèce en 2009). L’Union européenne sera inévitablement liée à la dette espagnole. La plupart des pays européens détiennent des obligations d’Etat espagnoles. Toute l’Europe serait alors touchée.
Dix ans après, ce serait un retour à la crise de 2008. Les européens (et les espagnols en particulier) vont se prendre un sacré coût dans les dents.
Le braquage “La Casa de Papel” part de bons sentiments! Mais dans la vraie vie, les impacts économiques de ce braquage de rêve affaiblissent les valeurs humanistes propagées par le Profesor.
Cet article a été écrit grâce à l’aide précieuse d’Eric Berr, professeur d’économie monétaire à l’Université de Bordeaux.