Pas d’inquiétude, dimanche il y aura bien des œufs, cloches et autres lapins en chocolat dans le jardin. Pour l’instant, les rayons des supermarchés débordent de toutes sortes de friandises cacaotées. Mais si ce n’était plus le cas dans 30 ans ? Et si en 2050, le chocolat était un produit de luxe ? Pire, et si le cacao était sur le point de disparaître de la surface de la Terre ? Un peu d’imagination…
Mars 2050. Ce que tout le monde craignait est arrivé. Le chocolat a presque disparu. Quasiment plus de tablettes, plus le chocolat au lait du matin et plus d’orangettes à Noël. Le chocolat est devenu un produit de luxe. En cause ? L’envol du cours du cacao à plus de 10 000 dollars la tonne, un prix deux fois plus élevé que lors du pic de 1980 et qui devrait continuer à augmenter. Conséquence directe, le chocolat, issu du cacao, est désormais rare et précieux, accessible seulement aux bourses les plus fournies. Avant d’en arriver à cette situation, les fabricants comme Lindt, Mondelez ou Hershey, ont bien essayé d’autres solutions. Comme ajouter plus de matières grasses, de sucre ou de lait. L’idée n’a pas séduit les consommateurs, qui n’y retrouvaient plus le goût du chocolat. Pas plus que la réduction des portions poussée à l’extrême pour donner l’impression que les prix n’augmentent pas. Alors les quelques tablettes de chocolat encore produites se vendent près de 25 euros les 100g. L’or brun n’a jamais aussi bien porté son nom. Mais comment en est-on arrivé à une telle situation de pénurie ?
Réchauffement climatique contre cacaoyers
Deux causes à ce manque mondial de chocolat. La première s’appelle réchauffement climatique. Malheureusement, les prédictions faites il y a 30 ans par des scientifiques du Centre International pour l’Agriculture Tropicale (CIAT) se sont révélées exactes. En trois décennies, les températures moyennes ont augmenté de 2,3 degrés, en particulier au Ghana et en Côte d’Ivoire, qui représentaient jusque-là à eux seuls 70% de la production mondiale de cacao. Cette hausse des températures a entraîné une sécheresse sans précédent dans les deux pays ainsi que chez leurs voisins producteurs. Sauf que sans humidité, pas de cacaoyers. Ou alors avec des cabosses qui sèchent sur pied et donnent des fèves plus petites, avec moins de beurre de cacao et surtout beaucoup trop acides pour être utilisables.
Le plus paradoxal, c’est que c’est l’industrie du chocolat elle-même qui est en partie responsable de cette situation. En agrandissant sans limites les cultures de cacaoyers, les producteurs ont contribué à la déforestation massive, elle-même à l’origine du réchauffement climatique. Un cercle vicieux et une pénurie déjà prédits il y a plus de 30 ans, fin 2017, par Christian Cilas alors agronome au sein du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD). Ajoutez à ça le virus de la pousse gonflée, maladie transmise par la cochenille farineuse, favorisée elle aussi par l’air sec, et le cacao se retrouve aujourd’hui en grand danger.
Le boom du chocolat en Asie
D’autant que les tensions autour du marché du cacao ne datent pas d’hier. Déjà au début des années 2020, la demande est largement supérieure à l’offre. En cause, l’Asie qui s’est prise de passion pour le chocolat. Ainsi, entre 2016 et 2020, la consommation de chocolat en Inde a augmenté de 20,6% selon une étude de l’agence d’analyse des marchés Mintel. Des milliers de tonnes de chocolat consommées en plus. Les producteurs n’ont pas pu suivre et le prix du cacao a commencé son inflation.
Les géants de l’agro-alimentaire ont bien essayé de se tourner vers d’autres pays producteurs comme l’Equateur ou le Brésil. Mais ils sont loin de pallier le manque de la Côte d’Ivoire, du Ghana et des autres pays d’Afrique de l’Ouest. Ces derniers produisaient près de 3 350 000 tonnes de cacao lors de leurs plus belles années quand tous les pays américains peinent à atteindre les 800 000 tonnes par an de cacao fin, déjà cher avant la pénurie. Bien sûr, les cultures pourraient être agrandies mais ce serait au détriment des forêts. Ce serait surtout répéter les erreurs du passé, des erreurs aux conséquences aujourd’hui importantes dans les anciens pays producteurs.
Des conséquences dramatiques en Afrique…
Depuis l’annonce officielle de la disparition des cacaoyers en septembre dernier, l’économie ivoirienne s’est effondrée. Avec la pénurie, c’est 40% des exportations du pays qui ont disparu. Comme le Ghana et même le Cameroun, la Côte d’Ivoire dépendait presque exclusivement du cacao. 6 000 000 de personnes, un quart de la population du pays, se retrouvent à la rue. Dans tous les sens du terme. Désespérés par leur situation, les petits producteurs demandent maintenant des comptes à leurs dirigeants politiques. Leurs manifestations ont conduit à la démission précoce du président il y a trois jours, quelques mois avant les élections présidentielles de juin prochain. Son successeur, si les élections sont maintenues, aura la lourde tâche de trouver un moyen de combler le déficit commercial du pays. Même situation au Ghana mais aussi au Cameroun. Sans le cacao pour faire vivre ses habitants et soutenir l’économie, c’est toute la stabilité de l’Afrique de l’Ouest qui est menacée. Et même plus encore.
…mais aussi en Europe
Car le cacao et le chocolat ne faisaient pas vivre les pays africains exclusivement. Dans le monde, c’est 40 à 50 millions de personnes qui dépendaient de l’industrie chocolatière jusqu’en 2045. La Suisse, par exemple a dû faire face à la fermeture de plusieurs chocolateries comme les usines Lindt & Sprüngli en novembre 2049. 13 500 salariés se sont retrouvés au chômage et le pays a perdu une grande partie de sa richesse. Si la Suisse est mieux armée que les pays africains pour se relever de la crise, les conséquences se feront ressentir pendant plusieurs années. Autre conséquence, beaucoup moins grave, le concours du meilleur ouvrier de France chocolatier 2050 a dû être annulé faute de matière première.
Une solution scientifique ?
Si la situation paraît bien difficile, tout n’est pas perdu pour autant. Le chocolat trouvera peut-être son salut dans la science. Depuis quelques années, des cacaoyers génétiquement modifiés ont commencé à faire leur apparition après trente ans de recherche. Ils sont plus résistants à la sécheresse et aux maladies. Certes, le processus coûte encore cher et n’est pas infaillible. Il a en encore du mal à empêcher les attaques du virus de la pousse gonflée. Il pourrait aussi atteindre ses limites si les températures continuent à augmenter. Mais les progrès de la science redonnent de l’espoir. Même si les anciens pays exportateurs auront du mal à se relever et si le système de production devra continuer sa transformation, le chocolat pourrait faire son retour dans les rayons d’ici 2055. Et, pourquoi pas, retrouver la profusion de Pâques 2018.
Pour aller plus loin:
Organisation internationale du cacao
National Oceanic and Atmospheric Administration