Des peines allant de deux ans avec sursis à dix ans ferme ont été requises vendredi dernier à l’encontre des douze membres d’un gang. Ils sont accusés d’avoir dérobé des centaines de bouteilles de vin en Gironde. Le procès du “gang des grands crus” met en lumière l’attractivité de ce produit tant convoité.
À la suite du procès qui a eu lieu du 26 au 28 novembre 2025, le verdict est tombé pour les prévenus. Suspecté d’avoir dérobé près de 900 bouteilles à diverses sociétés, le préjudice s’élève à 5 millions d’euros. La décision a été mise en délibéré au 18 février 2026.
Ces 13 cambriolages dignes d’un coup d’Arsène Lupin n’ont pas épargné Georges Azogui, œnologue et directeur commercial de la société bordelaise Oenotex. Victime du gang, le plaignant était présent pour toute la durée du procès. Auparavant, ce spécialiste du vin, âgé de 83 ans, s’était déjà fait dérober des bouteilles en 2014. À la suite d’un match de Rugby France-Irlande, il avait été appelé en pleine nuit par la société de sécurité qu’il employait à l’époque.
Lors du fameux vol de 2020, des membres du gang des grands crus cambriolent le bureau de George. Cette fois, la sonnerie d’alarme ne retentit pas. “Un lundi matin, on m’a dit que j’allais être surpris en montant dans mon bureau : il n’y avait plus de caisses de vin, la porte et les vitres étaient fracturées”, confie-t-il.

Le professionnel entreposait ses grands crus les plus précieux dans son bureau, et pour cause : par le passé, certains salariés avaient dérobé des bouteilles onéreuses dans l’entrepôt. Georges se justifie : “Du Petrus ou du Château-Margaux, c’est toujours tentant pour le personnel. Je pensais qu’elles étaient plus en sécurité avec moi”. Résultat, les voleurs lui ont dérobé un total de 76.000 euros de marchandises.
Contrairement à son entrepôt, le bureau n’est pas doté d’un système d’alarme. Pour des biens de grande valeur, tels que des grands crus à plus de 1.000 euros la pièce, il y a des conditions de sécurité particulières. Puisque ces produits étaient stockés en dehors du lieu garanti, l’assurance refuse d’indemniser le vol.
Des installations sécuritaires onéreuses
À la suite du cambriolage, Georges décide de déplacer son stock de 90.000 bouteilles dans un entrepôt à Saint-Loubès, à une dizaine de kilomètres de son siège social. Cette fois, ses biens sont confiés à un système de gardiennage : un salarié sur place 24 heures sur 24 assure la surveillance, pour un total d’un peu plus de 2.000 euros par mois, location de l’emplacement incluse.
Sur le terrain, d’après Julien Bijotat, dirigeant de la société Aquitaine Protect, les scénarios de vol sont multiples : bouteilles dérobées, matériel agricole ou encore dégradations isolées. Certains incidents relèvent aussi de tensions internes au secteur, avec des vols entre exploitants. Les outils pour s’en prémunir sont nombreux. Certains professionnels du secteur les adoptent, quand d’autres reportent l’investissement, faute de trésorerie.
Depuis seize ans, la société Aquitaine Protect sécurise les châteaux, domaines et entrepôts girondins. Parmi les dispositifs de sécurité les plus en vogue : les alarmes sonores restent la première barrière pour se prémunir du vol. Les caméras utilisant l’intelligence artificielle déclenchent une alarme ou un message vocal avant même l’effraction. Sur les sites les plus exposés, des fumigènes neutralisent la visibilité des intrus en quelques secondes. Enfin, la télésurveillance assure un contrôle continu.
Le coût d’une installation varie entre 3.000 et 7.000 euros par mois. « Beaucoup de professionnels n’ont pas les moyens de sécuriser leur espace », constate Julien Bijotat. « Nous avons un climat économique très peu favorable dans la région. » La crise viticole qui sévit actuellement pousse les professionnels à investir ailleurs. En témoigne, le plan d’arrachage de vignes mis en place par le ministère de l’Agriculture, ou la baisse des exportations de 6,7% vers l’international.
Des bouteilles de grands crus suivies à la loupe
« Aujourd’hui, tous les domaines viticoles déposent leurs marques à l’INPI (Institut national de la propriété industrielle), pour protéger le nom de leur vin », rappelle Yanis Merlin, juriste dans un syndicat agricole.
L’arrivée des puces NFC, minuscules capteurs glissés sous l’étiquette des bouteilles de vin, permet aussi de « tracer » les grands crus. « Les douanes peuvent vérifier l’authenticité de la bouteille, suivre son trajet, croiser l’achat, le transport, l’entrée en entrepôt », explique Yanis Merlin. Pas sûr que les Arsène Lupin des temps modernes rivalisent avec ce type de dispositifs.
Marieke ROLUS et Célia LESPINASSE

