Du 8 au 22 mars, sept femmes migrantes accueillies à la maison d’Ella exposent leur photos quai Richelieu dans le cadre du projet “Intimité en exil”. Aidées par la photographe Catherine Cabrol, ces femmes victimes de violences sexuelles livrent une part d’elles-mêmes à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes. Un travail de longue haleine pour recueillir leur parole.
Une trentaine de personnes était réunie devant la maison écocitoyenne du quai Richelieu ce 8 mars 2021. Alors que le bruit de la manifestation pour la journée internationale des droits des femmes nous parvient étouffé, Isabelle Kanor, art-hérapeute membre de la maison d’Ella, prend la parole. “Elles ont tenté de dire et de montrer une réalité. Leur réalité d’une intimité raturée, effacée, oubliée, réinventée.” Derrière ce “elles” se cachent Josée, Julina, Awatef, Satoucha, Mariame, J.O., MFaz’Ounyama, sept femmes migrantes, victimes de violences physiques et sexuelles.
Elles ont toutes participé au projet photo “L’intimité en exil” porté par l’organisme espagnol Por ti Mujer, le Centre Accueil Consultation Information Sexualité (CACIS) et sa maison d’accueil la Maison d’Ella. La structure créée en 2019 apporte écoute et soins psychologiques aux femmes victimes de violences. Onze photos sont exposées jusqu’au 22 mars sur le quai Richelieu. Les clichés seront ensuite transférés à Valence en Espagne, là où le projet PhotoVoice est né.
“Actrices de leurs témoignages”
Le projet en lui-même, dont la réalisation a débuté en janvier, est en fait un travail de longue haleine pour l’équipe encadrante, afin de tisser des liens avec ces femmes meurtries. Si l’enthousiasme et l’émotion se font sentir lors de l’inauguration, les débuts ont été compliqués. “Elles étaient méfiantes. Il y a un vrai travail de confiance en amont pour qu’elles puissent se libérer. Aujourd’hui elles sont super fières” indique Muriel Bichaud thérapeute à la Maison d’Ella. Certaines d’entre elles viennent dans cette structure depuis plusieurs mois déjà, voire même depuis son ouverture, à la recherche de soins psychologiques et de considération.
Muriel Bichaud explique l’importance de la participation des femmes à ce projet “C’était essentiel qu’elles prennent les photos pour qu’elles soient actrices de leurs témoignages”. Titulaires d’un doctorat en physique, fonctionnaires, ou encore artistes dans leur pays d’origine, elles font face aujourd’hui à des problèmes d’intégration. Isabelle Kanor, art-thérapeute, évoque la pression administrative qui pèse sur celles qui ont le sentiment “de ne plus exister sans papier”. Elle poursuit: “Elles ne voulaient pas se taire pour ne pas être enterrées une seconde fois. Mais la libre expression des femmes devenues migrantes peut se payer au prix fort, celui de leur vie.”
Apprenties photographes
Aidées par la photographe girondine Catherine Cabrol, ces femmes originaires du Congo, du Nigéria ou encore de la Guinée ont pris et légendé les photos exposées sur les six panneaux devant la maison écocitoyenne. Le choix du thème lors des ateliers collectifs est déterminant. Lors de trois séances de prises de vue, l’artiste leur a appris les bases de la photographie, leur a expliqué comment éviter les contre-jours et montré des exemples de projet photos. Smartphone, appareil photo, tous les moyens sont bons pour représenter leur intimité, leur réalité. Dans le monde, 35 pour cent des femmes ont subi au moins une fois des violences physiques et/ou sexuelles de la part d’un partenaire intime, ou bien des violences sexuelles de la part d’une autre personne, selon l’OMS.
Crédit: Mathilde Muschel