Jérémy Saget est le dernier Français encore en lice pour participer à la mission spatiale Mars One, qui projette d’établir une colonie sur la planète rouge d’ici 2027. Il se prépare en ce moment pour les dernières épreuves de sélection. Malgré de nombreuses incertitudes sur le plan technique, ce médecin bordelais de 38ans garde une foi inébranlable dans cette aventure… sans retour possible.
Dans un cockpit propulsé en trajectoire parabolique à 6 kilomètres d’altitude, Jérémy Saget nage en apesanteur parmi les balles de tennis. Grisé par le «0g », il tourne sur lui-même avec aisance, attrape et renvoie une balle pour finir par se fixer sur une paroi. Il se tourne alors vers la caméra, et lâche dans un large sourire « Mars, nous voilà ». Sa vidéo de candidature pour la mission Mars One donne un aperçu du personnage. Depuis ses 20 ans, il se rêve secrètement pionnier de la conquête spatiale, après avoir lu un article prévoyant la colonisation de mars pour 2017. Lorsque le projet mars One est lancé en 2012, il se jette dans l’aventure. « Notre génération a tout de même la chance inouïe, depuis les 3,8 milliards d’année de vie sur Terre, d’être en capacité de rejoindre une autre planète », se réjouit-il. Un enthousiasme qui lui a permis de passer les différentes étapes de la sélection. Réduite de 202 586 à 100 candidats depuis deux ans, la liste doit maintenant passer un ultime filtrage pour établir l’équipe définitive de 24 astronautes.
Le planning prévisionnel de la mission Mars One
Jusqu’à la sélection finale de septembre, des tests psychologiques seront conduits par le médecin en chef de l’opération, le Docteur Kraft. C’est la partie la plus intéressante, confie Jérémy : « il s’agit de tester en profondeur la psychologie des candidats et en particulier la dynamique de groupe, en situation de stress, de privation, des challenges en tout genre ».
Une sélection basée essentiellement sur le profil psychologique
Mais le projet Mars One, porté par une entreprise privée, comporte de nombreuses zones d’incertitude. Sur le plan technologique notamment. Un rapport publié par des chercheurs du MIT évalue à 68 jours la durée de vie des astronautes une fois arrivés à la base. Depuis l’annonce du projet, de nombreux scientifiques ont remis en cause sa faisabilité. Jérémy Sarget est certain que les problèmes technologiques pourront être dépassés. Le risque majeur à ses yeux est lié au facteur psychologique. « Les pionniers qui partiront établir la première base permanente humaine sur Mars devront avoir atteint une certaine « sagesse », afin de dépasser les nombreuses contradictions humaines associées à un tel projet. » explique-t-il. Il a coécrit un ouvrage sur le rapport entre spiritualité et voyage spatial, Touching the Face of the Cosmos, où il démonte la vision du cosmonaute froid et rationnel. Il faudrait devenir un moine de l’espace en quelque sorte… L’image a de quoi faire sourire. Mais c’est sur ce point essentiel qu’il insiste avec le plus grand sérieux.
Méditer dans le cosmos ou l’ascèse du pionnier de l’espace
La perspective offerte de la terre vue de l’espace, qu’on appelle communément « overview effect», donne selon lui accès à une « conscience élargie » : Les marstronautes, bien que confinés, placeront l’humanité dans une nouvelle perspective qui induira une véritable révolution copernicienne.» De belles paroles. Mais qui doivent êtres confrontées à la réalité d’un quotidien où l’espace physique disponible est minuscule. Un monde ordinaire réduit pour lequel, selon lui, il faut s’acclimater en se repliant sur soi-même : « La meilleure ressource au confinement extrême et à l’ennui est probablement le monde intérieur. » Un paradoxe puissant. Inaccessible au commun des mortels. Mais qui pourrais bien devenir la prière quotidienne de cette première génération de pionniers de l’espace. Car entamer un voyage sans retour est avant tout un acte de foi.
*Touching the Face of the Cosmos: On the Intersection of Space Travel and Religion. Connected Editions, décembre 2015.