À deux pas de la rocade, des dizaines de personnes survivent dans un campement de fortune. Depuis plusieurs semaines, les déchets ne sont plus collectés et forment une décharge à ciel ouvert, attirant ainsi des animaux et de potentielles maladies.
Le long d’un chemin, sur les rives du lac de Bordeaux, des dizaines de chariots dégorgent de déchets. Des bouts de plastique, des vêtements, de la ferraille, des restes alimentaires, des rats qui grouillent… À quelques mètres de cette décharge à ciel ouvert, des dizaines de personnes survivent dans un campement fait de bâches, de palettes et établi depuis plusieurs années. La plupart sont travailleur·euses.
Odeurs, maladies et nuisibles
« Personne ne vient ramasser les déchets et nous n’avons pas d’endroit où les mettre, ils ramènent des odeurs, des maladies et des animaux, surtout des rats : il faut faire quelque chose ! », alerte Nasser*, mains dans les poches et bonnet vissé sur la tête. Il vit au campement depuis un an et ne « peut pas accueillir [sa] fille de 17 ans dans ces conditions ».
À côté de lui, Claude, 64 ans, bricole une fenêtre. « Je l’ai construite ici !, s’enthousiasme-t-il. Je suis menuisier de profession, je fabrique des portes ou autres pour les cabanes du camp. » Habitant les lieux depuis deux ans, le soixantenaire explique que « certaines personnes viennent s’installer ici et laissent tout leur bordel en partant ». Résultat, « les déchets s’accumulent trop vite, surtout que nous sommes juste à côté de l’eau : l’humidité fait pourrir les matelas ou du matériel que nous devons jeter », ajoute-t-il. « Il nous faudra au minimum une benne pour tout stocker ».
Aucune collecte de déchets
Au début de l’année, un bac avait d’ailleurs été installé à côté du camp, « mais il a été retiré quand les travaux du nouveau quartier, juste à côté, ont commencé », explique Cécilia Fonseca, membre de l’association Les Gratuits-Gironde Solidarité, qui vient régulièrement dans le campement. Pareil pour la collecte des déchets. « Avant, des gens passaient toutes les semaines avec un petit camion », précise Nasser. Aujourd’hui, plus personne ne vient, et « nous ne savons pas encore pourquoi », admet Jean-Baptiste Thony, conseiller municipal de Bordeaux délégué à la propreté.
En tout cas, le conseiller de la mairie l’assure : « Le CCAS (Centre communal d’action sociale) a prévenu la mairie et la Métropole de la situation et une demande a été faite pour remettre une benne et rétablir les collectes ». Quand ces nouvelles mesures seront-elles appliquées ? « Cela peut être la semaine prochaine ou dans plus longtemps si des raisons structurelles nous y contraignent, explique Jean-Baptiste Thony. Mais bon, il y a un vrai besoin, donc il faudrait que ça aille vite. »
« Problème de santé publique »
En attendant le retour du ramassage des déchets, les habitant·es continuent de s’organiser. « Pour faciliter la récolte, on met tout au même endroit, juste au bord du chemin », témoigne Nasser. Les chariots servent ainsi de bac et protègent du contact avec les animaux et l’humidité du sol.
« Parfois, les ragondins tirent quand même les déchets et les éparpillent partout, témoigne Claude. Et puis, il y a les rats et les chats qui sont en contact avec les poubelles et qui viennent dans le camp ». Concernant les potentielles maladies que peut provoquer cette décharge, « nous ne savons pas encore s’il y en a qui traînent, mais franchement, il y a un vrai problème d’hygiène et c‘est un risque pour les habitants », lance Claude.
« Les déchets ne sont plus ramassés et posent un problème de santé publique non-négligeable », s’insurge Cecilia Fonseca. « Quand des gens vivent ou survivent dans un lieu, il faut au moins un point d’eau, des toilettes et une benne pour les détritus, c’est vraiment le strict minimum que nous demandons à la Métropole ! ».
Enfin, Nasser l’affirme, « si un camion vient pour ramasser, nous allons leur filer un coup de main pour tout ramasser, nous voulons simplement que les déchets soient ramassés ».
Jean Rémond