Bordeaux adapte son conseil municipal. Mardi 26 janvier, la mairie a adopté la traduction en langue des signes française (LSF) dans sa retransmission vidéo en direct. L’impulsion d’une politique plus inclusive pour les personnes en situation de handicap, qui questionne son passé et son devenir.
A Bordeaux, un pas a été fait en direction des personnes malentendantes et muettes. Pour la première fois, le conseil municipal a été intégralement traduit en langue des signes française (LSF) sur le site de la municipalité, mardi 26 janvier. Les cinq heures de concertations ont été retranscrites en langue des signes depuis la régie vidéo, à destination des publics sourds et malentendants, jusqu’ici privés des débats agitant l’assemblée dix fois par an.
Depuis 2000, la commission Ville & Handicaps, renforcée en 2011 par la charte associée, exige des résultats en matière d’accès à l’éducation, au logement et à l’aménagement pour tous à Bordeaux. “La ville semble en avance sur les questions de handicaps” soutient la porte-parole de l’association IRSA (Institution Régionale des Sourds et des Aveugles). Pour autant, l’organisme souligne quelques manques autour des handicaps sensoriels : “Il y a encore du travail et c’est parfois insuffisant : quand la commune propose des projets architecturaux par exemple, il peut y avoir un manque pour ces publics en matière d’accessibilité.”
Bordeaux rejoint le mouvement
La traduction LSF en direct du conseil municipal, plus qu’attendue, s’est concrétisée en ce début d’année. Elle fait suite aux initiatives lancées par des villes pionnières comme Paris, Lyon ou encore Montpellier, qui ont déjà adopté ce dispositif vidéo. Il en va de même du côté de Massy et Poitiers, qui ont fait appel à des interprètes LSF cet été sur les bancs de leurs assemblées. Bordeaux aurait-elle un temps de retard ? “Avec la crise sanitaire, nous n’accueillons plus de public lors des conseils”, répond Olivier Escots. Selon l’adjoint chargé du handicap et de la lutte contre toutes les discriminations : “Nous avons passé l’été à travailler dans l’ombre, à rédiger nos feuilles de route. Cette initiative “en ligne” est donc une première étape vers une communication municipale plus adaptée et inclusive ”.
La crise sanitaire et le “100% numérique” semblent avoir éveillé les collectivités sur la nécessité d’une traduction tout-public. Les apparitions télévisées régulières de l’exécutif, avec retranscription écrite et traduction en LSF, ont rendu visible cette question dans le champ politique. L’élu bordelais affirme : “Un des enjeux, c’est aussi la participation démocratique et citoyenne des ces publics. C’est-à-dire, comment on permet aux personnes en situation de handicap de participer davantage aux réunions publiques. Cette première initiative, dans les conseils municipaux, y répond en partie.”
Mettre en place des dispositifs tout public, ou des programmes spécialisés ? Bordeaux opte pour les deux solutions. Pendant le confinement d’automne, la ville de Bordeaux a émis un décret pour l’ouverture des piscines municipales exclusivement aux personnes en situation de handicap, à des créneaux horaires spécifiques. Olivier Escots insiste : “Certaines personnes se sont déplacées dans les piscines alors qu’elles n’auraient pas forcément franchi le pas en temps normal. Là aussi, il s’agit d’égalité, même si l’objectif reste la création de créneaux “grand public”, accessibles à tous et avec des lignes de nages spécifiques.”
Les structures d’accueil, entre aménagement spécifique et universalisme
“Inclusion ou pas ? C’est toute la contradiction d’aujourd’hui” insiste la porte-parole de l’IRSA. Mais la mairie et l’association s’accordent sur la finalité : il est essentiel de créer un environnement favorable à la mixité et la cohésion. Olivier Escots analyse : “il faut travailler sur l’accès au droit commun.”. L’IRSA renchérit : “Il y a encore des barrières et un manque d’accessibilité dans l’environnement sociétal. Et les questions publiques, démocratiques, constituent un enjeu supplémentaire”.
Quand il s’agit de la parole publique, il y a un point essentiel et non-négligeable : l’accès à l’information.
Association IRSA
Prochaine étape après la diffusion en LSF du conseil municipal : rendre inclusifs tous les supports de de communication. “Il s’agit de produire des documents faciles à lire et à comprendre par tous, que ce soit pour des personnes en situation de handicap (avec l’utilisation du braille par exemple, ou de couleurs contrastées) ou celles qui ne maîtrisent pas la langue française” explique l’élu en charge des luttes contre les discriminations. Et quand on le questionne sur l’épineux problème de l’écriture inclusive, qui a secoué la ville de Lyon l’été dernier, il rétorque : “elle n’est pas inscrite dans les feuilles de route, mais reste une pratique individuelle. On l’utilise notamment entre élus”.