Pensions de retraite trop faibles, discriminations à l’embauche et inégalités, tel est le quotidien de centaines de milliers de retraité·es français·es qui ont décidé de continuer à travailler. Mais cela se fait parfois dans des conditions difficiles, et les femmes sont plus touchées.
Les offres d’emploi qui ciblent les retraité·es fleurissent sur les sites de recherche spécialisés comme Indeed. Certaines agences d’intérim en ont même fait leur spécialité. Les retraité·es sont de plus en plus nombreux·ses à travailler : 10,6% d’entre elles et eux sont aujourd’hui en activité, contre 2,5% dans les années 2000. Certain·es en sont dépendant·es pour leur survie financière.
Depuis la dernière réforme des retraites, le cumul emploi-retraite permet d’augmenter ses droits. Une incitation supplémentaire, pour les retraité·es les plus précaires, à continuer leur labeur.
Les femmes retraitées sont plus pauvres
La pension moyenne brute est de 1351 euros selon la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques). Un montant inférieur au Smic, qui lui s’élève à 1 767 euros brut. Les femmes touchent en moyenne une retraite inférieure de 24% par rapport à celle des hommes.
« Ça me fait un plus sur ma retraite, vu qu’elle n’est pas énorme », estime Danielle, ancienne fonctionnaire de mairie devenue animatrice auprès des enfants. Une précarité aggravée par l’inflation : « Je réduis mon gaz sans arrêt, je mets une couverture le soir, j’économise pour pouvoir payer les factures qui augmentent », témoigne de son côté Sylvie, auxiliaire de vie. « L’association où je travaillais avait besoin de personnel. Moi, ça m’arrangeait financièrement de rester quelques années de plus ».
Sylvie est veuve. Sa pension ne lui permet pas de vivre correctement. « À moins d’avoir mis des sous de côté, on vit au jour le jour », regrette-t-elle. Hélène, divorcée, fait partie de celles qui ont anticipé. Une stratégie nécessaire pour pallier sa carrière hachée par l’éducation de ses enfants. Ses investissements immobiliers lui permettent aujourd’hui de générer un revenu mensuel. Pour autant, elle vit simplement. « Pas de voyages ou de gros SUV », dit-elle en riant, « mais cela me convient ». Chantal, ancienne collègue de Sylvie, profite de sa retraite, mais elle admet : « Si je n’avais pas mon mari, je serais obligée de travailler à nouveau ».
Contrats précaires et activités peu qualifiées
À l’agence d’intérim Staff Match à Bordeaux, les retraité·es sont appelé·es pour des « missions assez faciles à réaliser, comme le tri de colis ou des missions de traiteur pour des événements ». Mais ces offres d’emploi sont « saisonnières », explique Florian Bisbard, employé de l’agence. « Le tri de colis s’effectue plutôt en fin d’année, et les événements se déroulent souvent en été ». Les retraité·es qui effectuent des missions font donc souvent appel à d’autres boîtes d’intérim pour combler les périodes creuses, ce qui rend leur situation particulièrement instable et précaire.
Les retraité·es sont également victimes de discriminations à l’embauche, plus précisément celles et ceux qui ont entre 55 et 69 ans. Un paramètre qui permet d’expliquer leur propension à se tourner vers des postes moins qualifiés et des contrats à la mission. D’ailleurs, le recours aux emplois à temps partiel augmente avec leur âge. En 2023, 50,8% des salarié·es entre 65 et 69 ans étaient à temps partiel, pour 45,4% de CDI.
Une main d’œuvre plus fragile
Les retraité·es sont plus facilement et plus souvent exposé·es à des risques d’accident du travail graves que des employé·es plus jeunes. En 2019, on comptabilisait 2901 accidents graves chez les plus de 60 ans et plus de 13 200 chez les 50-59 ans. Le chiffre baisse à 4074 chez les 20-29 ans. Plus l’âge est avancé, plus il y a de chances pour que l’accident entraîne une incapacité partielle ou totale.
Le métier d’auxiliaire de vie de Sylvie est éreintant. Malgré le fait qu’elle ne travaille que deux jours par semaine, « ce sont des journées de 9 heures ». Elle sent que son corps fatigue au fil des années : « J’appréhende le jour où je ne pourrai plus travailler, j’y pense tout le temps ». Elle sait qu’elle ne pourra pas tenir indéfiniment. « C’est la vie », conclut-elle, résignée.
Sahra Kadi-Pasquer et Pierre Lassauge