Depuis plus de trois semaines, les mouvements sociaux se multiplient et dégénèrent partout en France. Dans la confusion qui règne, impossible de distinguer les manifestants des casseurs, et inversement. Mais quelle frontière existe vraiment entre ces deux groupes ? Décryptage.
Selon la police nationale, « Un manifestant se contente de manifester. Mais il devient un casseur dès qu’il porte atteinte aux biens, aux magasins, au mobilier urbain. » Une définition qui permet aux forces de l’ordre de distinguer clairement le manifestant, qui revendique ses idées de façon pacifique, et le casseur, qui se contente de casser les vitrines des magasins ou de brûler les voitures. La frontière est nette : le casseur n’est pas un manifestant. Mais peut-on aujourd’hui se contenter de cette définition ?
Choquer pour être entendu
La spécialiste des mouvements sociaux, Danielle Tartawosky analyse, pour le journal Les Echos, les débordements des rassemblements de gilets jaunes. Il s’agit, selon elle, d’« une casse qui ne semble pas seulement le fait des activistes d’extrême gauche et d’extrême droite, mais aussi de certains gilets jaunes ». L’historienne explique que « la violence est traditionnellement le substitut à la force du nombre et répond au sentiment qu’il faut choquer pour être entendu ».
En effet, ces révoltes interviennent après de multiples échecs des syndicats – contre la Loi El Khomri, contre les ordonnances Pénicaud ou la réforme de la SNCF – et constituent un point de non-retour. D’ailleurs, certains gilets jaunes – interpelés ce week-end et jugés lundi à Paris – ont affirmé avoir agi sur un « coup de sang ». La frontière n’est pas si évidente que cela.
La violence comme solution
Lorsque l’on interroge aujourd’hui les gilets jaunes, la violence apparait comme la suite logique de leurs actions. « A voir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes» : voici l’un de leurs slogans que l’on retrouve à plusieurs reprises sur les réseaux sociaux. « Je suis complètement d’accord avec cette citation. C’est ce qu’il se passe en ce moment ! Je ne veux pas m’inclure dans ces violences, mais s’il doit y avoir de la casse pour que les choses avancent, pour que notre futur soit meilleur, il faut peut-être faire ce sacrifice » explique Mélanie, une jeune Vendéenne de 22 ans qui soutient le rassemblement depuis le début.
Certains gilets jaunes invitent même à monter d’un cran, notamment sur les réseaux sociaux. Parmi les 57 manifestants interpelés à Paris ce week-end et jugés lundi, nombreux sont ceux qui ne présentaient pas un profil « attendu ». Venus tout droit de province et aucun antécédent judiciaire. Les avocats et les policiers se sont alors interrogés : où sont les vrais casseurs ?
Même justice pour tous
Car les casseurs professionnels s’introduisent très souvent dans les rassemblements, et selon Mélanie, «ils sont là pour discréditer les manifestations : un casseur est une personne qui par définition, casse sans chercher à comprendre ». Le profil type ? Anarchiste, d’ultra-droite ou d’ultra-gauche, avec des antécédents judiciaires, des outils, des armes et des masques de protection dans le sac. Voici résumé en quelques mots le portrait du casseur organisé, dont les revendications n’ont souvent pas grand chose à voir avec celles des manifestants. Certains n’hésitent d’ailleurs pas à se revendiquer comme tels, comme ce « casseur » autoproclamé qui s’est exprimé sur BFMTV ce week-end : « Moi je ne suis pas là pour les gilets jaunes. Je suis là pour casser. On vient se venger. Mon ennemi, c’est l’Etat ».
Depuis les premiers rassemblements du 17 novembre, plusieurs centaines de manifestants ont été interpellés sans distinction. A Paris, où les débordements ont été plus importants qu’en Province, 57 d’entre eux ont été jugés en comparution immédiate. Lundi, 18 peines de prison ferme ont été prononcées.