Le vendredi 2 avril, le comité d’experts chargé d’évaluer la stratégie anti-pauvreté du gouvernement a préconisé d’expérimenter sans délai un revenu de base pour les jeunes de 18 à 24 ans. Ce dispositif, Jean-Luc Gleyze, président socialiste du conseil départemental de Gironde, le défend depuis plus de 4 ans. Avec les représentants des 18 départements français, il a même souhaité qu’il voit le jour en Gironde. Pour cela, un vote au Parlement est nécessaire. Mais il y a deux ans, les députés La République en Marche, majoritaires à l’Assemblée, ont refusé tout débat sur cette expérimentation. Pour autant, une aide analogue verra tout de même le jour en Gironde : CAP’J Crise.
Il s’agit d’une extension d’une mesure déjà existante, le CAP’J (Contrat d’Accompagnement Personnalisé) qui donne la possibilité aux jeunes de construire des bases stables pour leur insertion sociale et professionnelle. Ce dispositif sert à répondre à la détresse sociale des jeunes, en cette période de crise due aux restrictions sanitaires. Limité dans le temps, CAP’J Crise revoit néanmoins les ambitions du revenu de base à la baisse, lui-même déclinaison du fameux revenu universel de la campagne présidentielle de 2017 : un véritable enchevêtrement de mesures… Jean-Luc Gleyze revient avec nous sur CAP’J. Entretien.
Quelles sont les conditions pour pouvoir percevoir CAP’J Crise ?
Jean-Luc Gleyze : Ce dispositif exceptionnel est vraiment ciblé sur les jeunes qui sont en très grandes difficultés, notamment car leur famille ne peut pas les aider et parce qu’ils n’arrivent plus à trouver de petits boulots à cause de la crise sanitaire. Le montant de l’aide, qui pourra aller jusqu’à 3 000€ au total répartis sur une durée de 3 à 12 mois, sera ajusté en fonction de la situation de chacun. Je me suis rendu sur le campus à Talence et j’ai pu rencontrer des étudiants en difficulté pour se nourrir, payer leur logement, leurs factures, leurs prestations de santé… C’est à ce type de situations que répond CAP’J Crise.
L’aide CAP’J Crise est ouverte aux jeunes de 18 à 29 ans alors que la population exclue des minimas sociaux est celle des jeunes de 18 à 24 ans. Pourquoi cet élargissement ?
J-L. Gleyze : Les jeunes de moins de 25 ans sont totalement exclus des minimas sociaux et ce sont eux qui constitueront l’essentiel de notre cible. Pour autant, nous élargissons jusqu’à 29 ans car il peut encore y avoir quelques trous dans la raquette, des exceptions, passé l’âge de 25 ans. Ce dispositif est plutôt un ersatz du revenu de base, censé s’adresser à tous, mais il permet tout de même de s’en approcher.
Quelles sont les différences majeures entre CAP’J Crise et le revenu de base que vous souhaitiez expérimenter au départ ?
J-L.Gleyze : Le revenu de base que nous réclamons n’est pas réservé qu’aux jeunes, or CAP’J crise l’est. C’est là une différence fondamentale. Autre point : dans le revenu de base, on réclame la fusion du RSA et de la prime d’activité alors que CAP’J Crise sera un revenu supplémentaire, qui s’ajoutera au RSA que nous allons continuer de verser. Aussi, avec CAP’J crise, l’idée est d’ouvrir le dispositif aux étudiants, ce qui n’était pas encore le cas, et ce sur une période de 18 mois. L’idée est vraiment d’avoir l’extension d’un dispositif existant pendant la crise sanitaire avec une jeunesse qui est extrêmement touchée et désarmée.
Etant donné le nombre important de jeunes touchés par la crise, ne craignez-vous pas que le nombre maximum de bénéficiaires, actuellement fixé à 500, pouvant percevoir l’aide ne soit rapidement atteint ?
J-L.Gleyze : Les demandes d’aide seront traitées au cas par cas. Certains toucheront 3000 euros sur la période, d’autres beaucoup moins. Nous sommes partis sur une base de 500 personnes car c’est le nombre de bénéficiaires de la distribution alimentaire en Gironde. Si ces jeunes font appel à l’aide alimentaire, c’est qu’ils sont sans revenu et qu’ils seront intéressés par cette aide.
Le dispositif que vous défendez rejoint-il la proposition de campagne de Benoît Hamon de 2017 autour d’un revenu universel ?
J-L.Gleyze : Le revenu de base que 19 départements – dont la Gironde – portaient à l’Assemblée nationale était celui d’un revenu dégressif – au-delà d’un certain montant, le revenu de base ne serait plus versé – qui n’est donc pas universel, contrairement à la proposition de Benoît Hamon. Cette aide serait versée jusqu’à un certain montant de revenu. C’est une différence fondamentale entre la version Hamon et le revenu de base que nous portons. De plus, pour nous, ce revenu est automatique et ouvert à tous les jeunes. Pour qu’il y ait universalité, il faudrait qu’il y ait une réforme fiscale et une réflexion globale sur la redistribution par l’impôt.
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