Ce mercredi marque la fin du mois de Mars bleu, soit 31 jours dédiés à la prévention du cancer colorectal. Appréhension du résultat ou mode de prélèvement méconnu : se faire dépister n’est pas toujours facile alors que ce cancer peut se soigner dans 90% des cas.
Le 18 octobre 2015, Sylvie Procureur se réveille dans une chambre d’un hôpital francilien. Après une opération d’une occlusion intestinale sur tumeur et trois jours de coma, la mère de famille apprend qu’elle a un cancer du côlon. « Je me suis réveillée avec une poche à merde sans savoir ce que j’avais réellement. » A seulement 39 ans, elle est passée à « douze heures près » de la mort. Avoir un cancer, c’est passer par la chimiothérapie, « une petite aiguille avec du poison qu’on infiltre dans le bras ». L’aspect préventif implique aussi « une coloscopie tous les deux ans. Sans oublier l’aspect psychologique : il faut accepter qu’on a eu un cancer. »
Prendre conscience du risque
« Pour moi, ça n’arrivait qu’aux personnes âgées », poursuit Sylvie. « Pendant un an, je n’avais pas de symptômes autres que de la fatigue et l’absence d’envie de manger. J’avais aussi des problèmes aigus de constipation mais les médecins n’ont jamais fait d’examens approfondis. » En 2016, celle qui considère le cancer comme la maladie du siècle se fait de nouveau opérer pour des métastases sur son foie. Aujourd’hui, elle n’est pas en rechute. “Mais on ne peut pas parler de rémission, avec ce qu’on appelle des cancers récurrents proliférant vers le haut. »
Catherine Payet, médecin-coordinatrice pour la Gironde au Centre régional de coordination de dépistage des cancers (CRCDC) de Nouvelle-Aquitaine , explique : « Le dépistage concerne les hommes et les femmes entre 50 et 74 ans, parce que 80% des cancers du côlon surviennent à ce moment-là. En France, la culture de la prévention reste secondaire. On attend d’avoir un symptôme ou une gêne pour consulter ». Seulement un test positif sur 10 révèle la présence d’un cancer.
Parler pour sensibiliser
Tout est mis en place pour faciliter la démarche : appels du CRDC aux personnes concernées ou fourniture par le médecin généraliste d’un kit pour faire le test chez soi. Effectuer le test à la maison, un avantage mais aussi un inconvénient quand les personnes ne passent pas à l’action. Selon Catherine Payet, « ce n’est pas le cancer lui-même mais plutôt le prélèvement des selles qui dérange une partie de la population, à l’inverse d’une prise de sang ou d’une analyse d’urine. » Le cancer colorectal est pourtant le deuxième cancer le plus meurtrier chez les hommes et le troisième chez les femmes. En Gironde, le taux de dépistage n’était que de 28,4% en 2020 : 72 278 tests ont été réalisés sur 231 811 personnes potentiellement concernées.
« Au Québec, tous les jeunes de mon âge prennent ça à la légère », soupire Mathieu Boisvert. Ils considèrent ça comme un cancer de petit vieux. » Le trentenaire est en arrêt maladie dans son logement de la ville de Québec au Canada. Le 5 février dernier, après des délais supplémentaires dûs à la Covid-19, les médecins lui annoncent qu’il est atteint d’un cancer du côlon et qu’il faut l’opérer d’urgence. « Le chirurgien m’a dit que j’étais le plus jeune de ses patients depuis le début de sa carrière il y a quinze ans. Mes frères et sœurs ont peur pour leur santé aujourd’hui. »
Le cancer colorectal touche non seulement la santé mentale des personnes malades mais aussi celle de leurs proches, raconte Sylvie. « Ma mère a fait un cauchemar dans lequel elle me voyait morte dans un cercueil. Et quand ma fille de 18 ans a appris que j’avais un cancer, elle a cru que j’allais mourir. Ceux qui souffrent le plus sont ceux qui nous entourent. » La quadragénaire fait aujourd’hui de la sensibilisation dans les écoles pour parler aux plus jeunes et partager son vécu. « Les élèves connaissent le sida, beaucoup moins la réalité du cancer. Moi-même, avant d’être malade, je connaissais le ruban rouge du Sidaction, pas du tout le ruban de Mars bleu. »
Crédit: Nicolas Azam