Mardi 17 décembre, 18h30, coup d’envoi du second débat entre les quatre principaux candidats à la mairie de Bordeaux organisé au siège du journal Sud-Ouest. Diffusé sur TV7, la confrontation a été l’occasion pour Thomas Cazenave, Vincent Feltesse, Pierre Hurmic et l’actuel maire Nicolas Florian d’exposer leurs positions sur la question du logement, ô combien cruciale dans la capitale girondine.
Constat rapidement établi : depuis plusieurs années, Bordeaux change. Dans le quartier Saint-Michel en plein coeur de la ville les pop-up stores, friperies, disquaires ont remplacé boucheries, charcuteries et petites épiceries. Les habitants se voient désormais proposer un espace de « co-working » spécialisé dans le bois pour les « concepteurs » locaux, une boutique de vêtements « éco-responsables » ou encore un vendeur d’instruments de musiques électroniques.
Ces mutations bien visibles portent un nom : la gentrification. Dans un ouvrage publié en 1964, la britannique Ruth Glass est la première à tenter une définition du concept : progressivement, des quartiers urbains sont pris d’assaut par des classes moyennes, excluant petit à petit les populations ouvrières qui les habitaient auparavant.
Des classes moyennes à la bourgeoisie
Comme l’explique Julia Lazarus, étudiante en master « Stratégies & Gouvernances Métropolitaines » à Sciences Po Bordeaux, la gentrification s’identifie à partir de deux éléments. Une population au capital économique faible mais au capital culturel important migre vers des zones identifiées avec un « fort potentiel patrimonial » peu exploité et « délaissées par les politiques de la ville ».
Des groupes de populations tels que les étudiants en quête d’un mode de vie alternatif ou « bohème ». Leur installation entraîne peu à peu l’arrivée de commerces « à la mode » : magasins, boutiques de niches, bars et lieux nocturnes. Un renouvellement qui pousse progressivement des membres de la classe moyenne supérieure à s’y installer. Exemples phares de la gentrification bordelaise : les quartiers Saint-Michel, Saint-Pierre ou encore les Chartrons.
A Bordeaux, le constat est sans appel. Populations les plus représentées en 2011, les employés et professions intermédiaires ont été éclipsées par les cadres dont le nombre ne cesse d’augmenter depuis. Minoritaire depuis le début de la décennie, la part d’ouvriers bordelais continue elle aussi à chuter.
Qui dit nouvelles populations dit nouveaux moyens et donc augmentation en flèche de la valeur des biens immobiliers. L’ex quartier ouvrier de la Gare Saint-Jean a vu ses prix grimper de 32 % en 2017, sous l’influence notamment de l’installation d’une ligne à grande vitesse reliant Bordeaux et Paris. Même constat à Capucins-Victoire dont le mètre carré valait en 2017 3 880 euros. Il s’acquiert aujourd’hui pour la somme de 4 360€.
Route vers la mixité ou phénomène d’exclusion ? La gentrification à Bordeaux est loin de faire l’unanimité et peut provoquer avec elle de vives tensions. En 2017 le « concept store chic et populaire » Yvonne est inauguré place Saint-Michel mettant en vente objets de décoration, bijoux et sacs parmi d’autres accessoires. Pour l’association « antifasciste » Pavé Brûlant, la boutique n’a de populaire que sa description. Des militants décident de s’en prendre à son propriétaire et son gérant leur reprochant les prix pratiqués et de ne pas respecter « l’esprit du quartier ». Résultat : un débat houleux suivi d’un appel à la police, retracé par un compte-rendu disponible ici.
Victor Goury-Laffont (@victorglaf)