Un million d’arbres à planter : voilà l’ambition de Bordeaux Métropole pour la prochaine décennie. Pour les métropolitains, qui habitent déjà une aire urbaine chargée en pollens, le retour des beaux jours combiné au programme de plantation pourrait vite monter au nez.
“Plantons 1 million d’arbres”. Le patrimoine arboricole des 28 communes de la métropole doit ainsi augmenter de 20% en 10 ans. La politique de végétalisation urbaine est devenue un phénomène de mode. Et l’agglomération surfe sur la tendance : elle veut planter pour améliorer le cadre de vie et favoriser la dépollution de l’air. Mais que choisir parmi les milliers d’espèces d’arbres ? Botanistes et experts de l’aménagement paysager s’accordent pour dire qu’un plant en lui-même ne constitue pas une solution.
Certaines essences d’arbres sont à éviter en mono-plantation et peuvent même augmenter le risque pollinique si elles ne sont pas associées à d’autres végétaux. “La haie monospécifique, par un effet de concentration de pollens allergisants dans l’air, peut constituer un aménagement responsable de nombreuses allergies, note Santé environnement Nouvelle-Aquitaine dans un rapport d’orientation. Des espèces allergisantes comme le Cyprès ou le Charme sont souvent utilisées pour faire des haies monospécifiques, ce qui participe à un risque important d’allergies.”
Des habitants pointent la course à la végétalisation à tout prix. “La notion de santé publique n’est abordée que par l’aspect positif : le poumon de la ville… mais les personnes allergiques comme nous en souffrent !”, témoigne Corinne, habitante de Bordeaux allergique au pollen d’arbres.
Comment réduire l’ampleur du risque d’allergie ?
Le meilleur moyen pour éviter d’augmenter ce risque, tout en poursuivant la végétalisation de la métropole, réside dans l’association de végétaux.
Santé environnement Nouvelle-Aquitaine recommande de diversifier les espèces, en limitant la part du platane par exemple. « Cela permet de diminuer le risque d’allergie et rend aussi le patrimoine végétal d’une ville moins sensible à une épidémie. Créer des haies de mélange à la place des haies de Cyprès permet à la fois de réduire le risque d’allergie et de lutter contre la banalisation des paysages”.
Une vision partagée par les responsables de la coordination paysagère de l’institution de Bordeaux Métropole, même si l’institution n’a pas communiqué officiellement sur le sujet. “Depuis des années, on dit qu’il faut éviter la mono-plantation, défend Elisabeth Fournier, coordinatrice paysage et nature de Bordeaux Métropole. A une époque, on ne plantait que des tilleuls ou que des érables. Maintenant, on ne fait plus ça. On doit varier les plantations.”
Quelle politique de gestion des pollens ?
Pour lancer son programme décennal, la collectivité a choisi Mérignac comme terrain d’essai. Avec 10 000 jeunes arbres plantés en novembre 2020 sur deux sites longeant des axes routiers fréquentés, comme le long de l’avenue François Mitterand. Des haies bocagères où sont associées différentes espèces parmi lesquelles aubépines, merisiers, aulnes, érables ou chênes. Cette dernière essence est la plus représentée à Bordeaux Métropole… et fait partie de celles qui présentent le plus de risques pour les personnes allergiques aux pollens.
L’aire urbaine bordelaise est déjà réputée pour être propice à la surcharge de pollens dans l’atmosphère. Les chiffres publiés Atmo Nouvelle-Aquitaine sont sans concession : la fédération classe la métropole en niveau 3 sur 5 d’indice pollinique pour la semaine du 26 mars au 2 avril. Soit l’indice le plus élevé en Nouvelle-Aquitaine.
Cette surcharge en pollens s’explique aussi par la forte pollution atmosphérique en zone urbaine, facteur aggravant pour les allergies. “Il y a des pollens qui peuvent être abîmés par la pollution et potentiellement renforcés. Ca engendre des problèmes sur les voies respiratoires des personnes allergiques” développe Agnès Hulin, responsable du service études qualité de l’air à Atmo. De plus, à Bordeaux, certaines espèces sont concentrées dans des zones très fréquentées. Mais éliminer toutes les sources polliniques ne constitue pas une solution viable et efficace, puisque le système immunitaire a besoin d’être exposé à petites doses aux allergies.
Comment prendre en compte l’avis des personnes concernées ?
Du côté du Réseau National de Surveillance Aérobiologique (RNSA), on déplore un manque de véritable politique pollinique. “En 30 ans de carrière, je n’ai jamais vu de coordination métropolitaine sur le pollen”, tance Jean-Charles Farouz, allergologue et représentant du RNSA Nouvelle-Aquitaine. Son avis sur le plan 1 million d’arbres ? “Je pense que c’est du travail pour les allergologues”, lance-t-il en riant. Mais à la métropole, Elisabeth Fournier promet que la mono-plantation ne sera pas à l’ordre du programme décennal.
« Pour s’assurer que nous prenons en compte le risque pollinique et pour discuter de tous les enjeux, un comité partenarial va se constituer. Tous ceux qui veulent s’associer au travail de réflexion pourront en faire partie”, invite la coordinatrice paysage et nature. De quoi rassurer et impliquer les dizaines de milliers de métropolitains allergiques aux pollens. En attendant, mouchoirs et gouttes dans les yeux sont les meilleurs amis de ce début de printemps. Avril, ne te découvre pas d’un fil…et n’enlève pas ton masque !
Crédit : Maxime Giraudeau.