Le grand débat national ne soulève pas les foules dans cette commune de 27 000 habitants, située en banlieue de Bordeaux. Pourtant, le maire de Bègles, proche des habitants, veut y croire. Il est convaincu que cette initiative gouvernementale peut apporter une réponse aux revendications de ses administrés.
« Le cahier de doléances ? Cela ne me dit rien », s’étonne un jeune homme en quittant la mairie. Sur son tricycle, ce grand roux de l’atelier de réparation de vélo Second Cycle sort bredouille d’un rendez-vous manqué avec un client. Et pas n’importe lequel, le maire écologiste de Bègles en personne, Clément Rossignol-Puech, « encore coincé en réunion », d’après le cycliste. Sourire en coin, il s’engage sur une des nombreuses pistes cyclables sillonnant la commune.
Sous l’impulsion de l’association des maires de France (AMF), les cahiers de doléances ont été mis en place le 19 décembre dernier à Bègles pour rétablir un dialogue entre citoyens et élus. Officiellement lancé mardi 15 janvier, le grand débat national (GDN) complète cette mesure en rapportant ces revendications au gouvernement. « Les gens commencent à m’en parler en ville », assure Clément Rossignol-Puech. Preuve que cette initiative gouvernementale peut donner du poids aux cahiers de doléances.
La « repolitisation des Français »
Si le maire revendique son « hyper proximité » avec ses administrés, il souhaite que le GDN soit porté par les citoyens plutôt que par les équipes municipales. « Nous aimerions organiser ce débat un samedi matin, en mobilisant les principales associations de Bègles, comme le Club Athlétique Béglais. » La mairie doit néanmoins se réunir demain soir pour fixer les modalités de cette rencontre pour laquelle le gouvernement a laissé beaucoup de liberté. « On nous annonce des kits et la venue de hauts fonctionnaires, mais nous n’avons pas plus d’informations pour l’instant. »
Dans l’attente d’un courrier explicatif de l’Élysée, le maire entend inscrire au coeur des débats deux grandes thématiques : les préoccupations quotidiennes des résidents de Bègles et l’avenir du pays.
« Le mouvement des Gilets jaunes témoigne d’une certaine repolitisation des Français. Il y a un véritable besoin de s’exprimer. Je trouve cela positif, même si je condamne les violences qui se sont déroulées lors des rassemblements. »
Tête de liste du groupe d’opposition « Bègles, communauté d’avenir » (centre-droite modérée), Thierry Beer Demander, 66 ans, envisage de prendre activement part à ce débat. « Je veux bien payer la TVA, mais pas d’impôts sur les matières premières. Il y en a trop et je compte bien m’exprimer sur le grand mécontentement fiscal que ressentent les Français. »
Emmanuel Macron à la redécouverte des maires
Avec ses allures de gentleman farmer, le maire béglais de 44 ans s’étonne de sa nouvelle place privilégiée dans le débat national. « C’est comme si le président avait tout d’un coup redécouvert le rôle du maire. » À y réfléchir, ce grand débat national aurait pu aussi être mis à la charge des députés. « Comme la plupart sont étiquetés La République En Marche (LREM), leur objectivité risquait d’être remise en question », analyse Clément Rossignol-Puech. Même constat pour les sénateurs, dont l’élection indirecte éloigne les administrés.
« Mais vous savez, cela fait longtemps que les mairies reçoivent des doléances », relativise l’élu EELV, qui s’amuse de la médiatisation soudaine des cahiers. Surtout à Bègles où les administrés se sentent proches de leurs élus municipaux. Un récent sondage initié par la mairie atteste même d’une large satisfaction des habitants pour le service public de Bègles. Les pronostics dépasseraient même les 80%, chuchote-t-on à la mairie, en attendant la parution officielle ce jeudi 17 janvier.
Un point d’honneur à la démocratie participative
Car dans la mise en oeuvre de politiques locales, chaque maire a toujours mis un point d’honneur à la démocratie participative. Depuis l’arrivée de Clément Rossignol-Puech à la tête de la mairie en 2017, de nombreuses initiatives locales ont vu le jour. Ainsi, un forum de proximité semestriel a été instauré par la ville dans les quatre quartiers de Bègles qui, sous forme de réunions publiques, assure le dialogue entre concitoyens et élus municipaux. Indépendamment de la mairie, il existe aussi des comités de quartier, qui se réunissent plusieurs fois par an. Depuis un siècle, ils continuent à se développer, endossant le rôle important d’associations de quartier.
A ce panel s’ajoute l’assemblée citoyenne béglaise. Seule une poignée d’habitants était présente lors de sa dernière édition. L’enjeu reste celui de la participation. Et donc de la communication. En repartant sur la route béglaise, le réparateur de vélo semblait déçu de ne pas avoir été informé des initiatives de la mairie.
Rédaction : Alix Fourcade, Eve Guyot et Félicie Gaudillat
Photographies : Félicie Gaudillat et Alix Fourcade