Baudouin Dupret : « On peut nourrir un certain optimisme pour la Syrie »

Chercheur au CNRS et au LAM, Baudouin Dupret se montre “optimiste” pour le futur de la Syrie. ©LAM

La chute de Bachar al-Assad a ouvert une nouvelle phase pour la Syrie, marquée par l’arrivée au pouvoir de Hayat Tahrir al-Sham (HTS). Si cette transition suscite des espoirs de réconciliation, elle confronte également le pays à d’immenses défis internes et géopolitiques. Baudouin Dupret, directeur de recherche au CNRS et membre du laboratoire LAM (Les Afriques dans le Monde) de SciencesPo Bordeaux, analyse les perspectives d’un avenir pour la Syrie, entre optimisme prudent, défis internes et incertitudes autour du statut des réfugié·es.

Face à une société syrienne divisée par plus d’une décennie de conflits, la fin du régime de Bachar al-Assad ouvre-t-elle la possibilité d’une réconciliation nationale ?

On peut nourrir un certain optimisme. Le nouveau pouvoir en place, Hayat Tahrir al-Sham (HTS), semble envoyer des signaux rassurants. Les discours récents de ses dirigeants reconnaissent le pluralisme de la société syrienne et mettent en avant l’idée d’un État de droit. Cela montre une réelle volonté d’apaiser les tensions et de bâtir un avenir collectif.

L’arrivée à Damas de délégations internationales pour établir des contacts avec HTS est également un signe encourageant. Ce climat d’ouverture pourrait poser les bases d’un dialogue national, même si cela reste un processus délicat.

Peut-on vraiment croire à un avenir stable ou faut-il rester prudent face à ces signaux d’ouverture ?

 Il faut rester prudent. Premièrement, les interférences étrangères représentent des obstacles majeurs. La Turquie, par exemple, tente de profiter de la situation et d’affaiblir les Kurdes dans le nord de la Syrie. Israël, de son côté, intensifie ses frappes sur des sites militaires. Ces facteurs nuisent à tout apaisement durable.

En interne, la stabilité dépendra de la capacité de HTS à gérer les tensions communautaires. La Syrie est un pays historiquement fragmenté sur les plans ethnique et confessionnel – sunnites, alaouites, Kurdes, chrétiens, etc. – et chaque communauté apporte ses revendications et ses craintes. Tout dépendra donc de la manière dont le nouveau pouvoir abordera ces fractures. Cependant, je prends les gens au mot. Si les intentions affichées par HTS sont positives, pourquoi partir d’un scepticisme et d’un rejet de tout ce qui peut être dit ? Ce groupe rebelle a certes des antécédents historiques négatifs (HTS est une ancienne branche d’Al-Qaida en Syrie, ndlr) mais ce n’est pas sur cette base-là qu’il faut les considérer aujourd’hui. C’est au présent qu’il faut les juger.

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Les demandes d’asile politique ont été bloquées dans de nombreux pays (Autriche, Allemagne, Suède, etc.). N’est-ce pas un peu trop tôt au vu de la situation politique encore instable ?

Bloquer ces demandes en bloc est, à mon sens, une approche précipitée. Certes, les nouvelles circonstances en Syrie modifient la façon d’appréhender les différentes candidatures au statut de réfugié·e politique mais cela ne doit pas se faire en bloc. Chaque situation est particulière et il est crucial de traiter ces dossiers au cas par cas. Je pense que les candidat·es seront les premier·es à retirer leur demande dès lors qu’iels voient un avenir en Syrie. Ce serait cependant aller trop vite en besogne de penser que, parce que le régime actuel est moins répressif, toutes les raisons de demander l’asile politique disparaissent et que les réfugié·es peuvent rentrer sans crainte.

Propos recueillis par Louis TETARD

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