Du 26 mars au 17 juin a lieu le printemps de l’autisme proposé par La Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH), le Département de la Gironde et leurs partenaires associatifs. L’occasion de mettre en lumière des aspects peu connus des troubles du spectre de l’autisme. Notamment les difficultés rencontrées par les jeunes autistes et leurs aidants durant les moments de repas.
L’autisme concerne près d’une personne sur cent-cinquante, soit plus de 450 000 français. Ces troubles du neuro-développement se manifestent par des difficultés dans les interactions sociales et la communication, ainsi que des comportements restreints, répétitifs ou stéréotypés. En particulier lors des repas. Plus d’une personne atteinte d’autisme sur deux présente en effet des troubles alimentaires.
Pour Marine Saboua, ergothérapeuthe Bordelaise, le repas est un moment extrêmement complexe à comprendre pour les personnes atteintes d’autisme, car il revêt un caractère culturel qui leur échappe. « L’acte du repas c’est pas une priorité pour le corps, c’est une représentation sociale et familiale. Certains mangent par terre, avec les mains, d’autres assis avec des couverts. Rien ne va de soi ».
Un casse tête pour les aidants.
Bastien, neuf ans et demi, a été diagnostiqué en 2014 d’un trouble envahissant du développement. Ses parents ont toujours eu beaucoup de mal à le nourrir correctement. « Il est presque impossible de lui faire manger des fruits ou des légumes crus ou cuits. On se demande tous les jours quel stratagème on va bien pouvoir trouver pour le nourrir » s’inquiète son père, Jérôme Druart. « Un jour il peut adorer un plat et le lendemain refuser catégoriquement de le manger ».
En première ligne pour accompagner au mieux les enfants ou adultes autistes, les aidants sont donc souvent démunis face à des malades très difficiles à nourrir. Pour Jean-Yves Prigent, pédopsychiatre spécialiste de la question, « rares sont les parents qui peuvent espérer accéder un jour au plaisir d’un repas partagé en toute tranquillité ».
Les difficultés administratives des aidants. Au regard de la loi, le statut d'aidant familial est relativement englobant, mais reste flou. Il concerne toute personne qui accompagne dans ses gestes du quotidien une personne âgée, un adulte ou un enfant en situation de handicap, de perte d’autonomie ou de maladie invalidante. Cela si les liens familiaux ne dépassent pas le quatrième degré direct, ou par l'intermédiaire de l'union civile. Et cette aide, sauf cas particuliers, ne doit pas être rémunérée. Près de 10 millions de français sont donc, de fait, aidant familial. Mais 54% d'entre eux ignorent être concernés par ce statut. Et davantage encore ne le font pas officiellement reconnaître auprès de l'administration. Mais l'aidant familial peut difficilement obtenir des aides financières ou d'autres aides matérielles, en particulier lorsque la personne aidée est un enfant. La plupart des dispositifs qui permettent le dédommagement de l'aidant sont attribués lorsque la personne accompagnée est âgée ou adulte invalide.
Hyper sélectivité alimentaire
Les troubles de l’alimentation sont surtout problématiques en matière d’apports nutritionnels et d’interaction sociale. « Le moment du repas est souvent très anxiogène pour l’enfant autiste. Il n’en tire aucun plaisir » note Jean-Yves Prigent. Même si cela varie selon les profils et les degrés d’autisme. « Certains jeunes handicapés sont boulimiques, d’autres anorexiques. Je suis une patiente qui ne mange que trois aliments, tandis qu’un autre ne se goinfre que de gâteaux ».
Les personnes autistes ont une perception plus imagée et s’attachent donc plus aux détails de leur alimentation. L’enfant autiste pourra alors manger des rondelles de carotte et refuser une carotte coupée en carrés ou accepter une marque de nourriture et refuser toute autre marque équivalente.
Beaucoup d’entre eux refusent de manger certains aliments selon leur goût, leur odeur, leur forme, leur couleur ou leur texture. Certains vont par exemple vouloir manger toujours dans la même assiette, d’autres manger seulement des soupes de couleur rouge, d’autres vont accepter de manger à la maison, mais pas à la cantine ou au restaurant. Ce genre de troubles comportementaux engendrent nécessairement des problèmes de socialisation et de communication. Il s’agit souvent d’une épreuve pour l’enfant, ce qui accentue le rôle déterminant des aidants.
“Une bataille de tous les jours”
Un autre symptôme du handicap autistique interfère dans leur manière de se nourrir : les problèmes psychomoteurs qui touchent la plupart des jeunes autistes. « L’acte du repas est une tâche extrêmement complexe. Il faut savoir utiliser des couverts, être assis…c’est un vrai calvaire pour eux » souligne Marine Saboua. Les jeunes autistes doivent utiliser des couverts spécialement adaptés à leur complications physiques. Et même rester assis peut se révéler fatiguant.
Jérôme témoigne de la progression de son fils, Bastien : « au départ, il était même impossible qu’il reste à table plus de deux minutes. Aujourd’hui on y arrive grâce à des petits jeux et des pauses qui lui font oublier ces problèmes. » Mais il rappelle que les progrès ne sont pas jamais totalement acquis. « C’est une bataille de tous les jours, que nous ne gagnerons peut-être jamais, en tout cas il faut y croire. »
Joseph Lacroix-Nahmias et Luca Campisi