Lundi 8 mars, au sein de la Marche pour les droits des femmes, a défilé le « cortège queer ». Ses membres revendiquent, en particulier, une plus grande visibilité des minorités de genre dans les luttes féministes.
« Nous sommes queers, nous sommes fier.e.s, trans féministes et radical.e.s et en colère » . Dès 14h, place Stalingrad à Bordeaux, le « cortège queer » prend forme et scande déjà ses slogans . Formé à l’appel du Collectif bordelais Fack Ap – Feminists and Queer Against Patriarchy (Féministes et queers contre le patriarcat) – ce cortège rassemble en mixité choisie quelques dizaines de personnes s’identifant comme queers et féministes au sein de la manifestation pour les droits des femmes du 8 mars.
« L’idée c’est de pouvoir nous regrouper entre personnes trans,
non-binaires, intersexes… Toutes les personnes concernées par les oppressions patriarcales qui doivent rendre leurs combats visibles« , explique Gaëlle, jeune femme transgenre qui tient un immense drapeau violet et noir représentant le mouvement anarcha-féministe.
« Notre place n’est pas toujours reconnue.«
En tête du cortège, la banderole donne le ton des revendications portées par le collectif : « Nos adelphes, nos corps, nos familles, assassinées, exploitées, méprisées. Détruisons ce qui nous détruit« . Le propos, radical, est dédié aux minorités de genre au sein des luttes féministes. « Je ne sais pas dans quelle mesure c’est réel, mais on a l’impression que les discours d’exclusion des personnes trans dans le féminisme ont un regain d’intérêt », explique Gaëlle. Très vite, elle cite le nom de Marguerite Stern, cette féministe, connue pour avoir initié le mouvement des colleuses, qui rejette la présence de personnes transgenres au sein de certains groupes féministes.
« Les personnes trans subissent à la fois le sexisme et la transphobie, notamment dans les milieux militants où notre place n’est pas toujours reconnue. C’est aussi ça que nous dénonçons dans ces slogans : la transphobie et l’invisibilisation des personnes trans dans les milieux féministes« , explique Charlie, 21 ans, membre non-binaire du Collectif.
De « Nos corps, nos genres, nos choix » à « Terf, tu m’énerf » en passant par « Toutes les femmes n’ont pas de clito« , les pancartes plaident pour un féminisme inclusif. « Le féminisme ne reconnaît pas assez nos identités« , dénonce Sam, 22 ans et non-binaire.
« A bas l’patriarcat, on veut la PMA »
Au-delà d’une volonté de représentation, ce sont des revendications pour l’égalité des droits qui s’expriment. En témoignent notamment les prises de parole au niveau de la Place Pey Berland au cours desquelles le Collectif a particulièrement insisté sur l’exclusion des personnes trans de la procréation médicalement assistée (PMA). Cette technique d’aide à la procréation devrait bientôt être ouverte aux couples lesbiennes et aux femmes célibataires mais toujours pas aux personnes trans. « Si je souhaite faire ma vie avec une personne qui n’est pas cisgenre, je vais devoir adopter mon enfant ou être considéré.e trop peu stable pour en avoir un« , dénonce Sam.
Ce besoin de visibilité se heurte à celui des femmes cisgenre qui craignent une dilution de leurs revendications par l’effacement complet des marqueurs de genre. La polémique provoquée en décembre dernier par le Planning familial des Bouches-du-Rhône l’illustre bien. En parlant de « personnes qui ont un utérus » sans parler de « femmes« , l’association, qui a depuis retiré son message, a provoqué la colère de nombreuses féministes qui voient dans cette démarche une invisibilisation des femmes au profit des minorités.
Ce lundi 8 mars, ce sont sensiblement les mêmes enjeux qui se sont joués. Impossible de passer à côté de l’immense clitoris en carton sur lequel était inscrit : « N’ayons plus peur d’exister« .
Un symbole fort de représentation d’un organe génital qui a longtemps été tabou, et qui, d’un autre côté, heurte. « En réalité, ce symbole exclut nos adelphes trans pourtant belles et bien concerné.e.s et subissant aussi les oppressions et violences permanentes de l’hétéro-patriarcat« , continue Sam. Matias, 25 ans et non binaire également, partage ce constat et souligne : « Il faut quand même se rappeler qu’aux débuts du féminisme contemporain, ce sont aussi les personnes trans qui se sont battues pour les droits des femmes » .
Passé le Pont de pierre, le cortège tente de prendre la tête de la marche. La manoeuvre échoue et Sam se désole « pourquoi devoir se battre pour se frayer un chemin dans une lutte où il faut s’unir ? »