Supercoop Bordeaux est un projet de supermarché coopératif et collaboratif porté par l’association les Amis de Supercoop. Prévu pour décembre 2016, les petites mains du projet s’activent à Bègles pour qu’il soit opérationnel le plus rapidement possible. Rencontre avec Laure Rigoudy, du groupe finance, et Zoé Elliot, du groupe achats.
Quelle est l’origine du projet ?
Laure Rigoudy : Le projet Supercoop Bordeaux a émergé en janvier 2015 grâce à Anne Monloubou qui est aussi la fondatrice de l’association les Amis de Supercoop. À la base, elle était seule mais grâce au soutien et au réseau des supermarchés coopératifs et participatifs de New York et Paris, le projet a vite pris. Le souci de l’association est de revenir à des fondamentaux de qualité de consommation et de transparence aussi bien pour les consommateurs que pour les producteurs. Il s’inspire de l’histoire des coopératives selon la théorie de l’économie sociale théorisée au 19e siècle par Charles Gide. Tout le monde est décideur. Un membre = une voix. On a aussi le désir de mieux répartir les bénéfices et de mieux rétribuer les participants à la chaîne en supprimant les intermédiaires qui font que le prix augmente sans raison. Alors que le coopératif était tombé en désuétude en France, il est de plus en plus tendance et certains scandales comme celui de la viande de cheval avec Spanghero font que les gens ont besoin de revenir à l’essentiel.
Actuellement, ce sont surtout les AMAP ou « la ruche qui dit oui » qui ont le vent en poupe. Qu’y-a-t-il de différent à créer un commerce de l’échelle d’un supermarché qui reprend les principes du circuit-court ?
Zoé Elliot : Les avantages sont multiples. Premièrement, le principe d’un supermarché est de regrouper tous les produits de consommation dont peut avoir besoin un ménage pour vivre au quotidien comme des produits frais, des produits d’épicerie sèche ou encore des produits ménagers. Beaucoup de personnes qui viennent à nos réunions d’information félicitent le fait qu’ils auront tout à portée de main. Un commerce de grande échelle permet aussi de réduire les coûts aussi bien de fonctionnement que le coût des marchandises. On se fixe une marge unique de 20 % du prix auquel le producteur nous les fournit. Nous n’avons pas vocation à faire du profit. On cherche également à s’implanter en ville mais dans une zone où la mixité sociale est importante. On a déjà ciblé des lieux intéressants dans le grand Bordeaux-Sud entre Bègles et Saint-Michel car ils sont facilement accessibles en transports en commun ou à vélo pour les clients et proches de la rocade pour la livraison par les producteurs. Nous voulons aussi apporter des produits de qualité, écologiques et bio à des populations qui n’ont pas forcément les moyens physiques et financiers de se déplacer dans les AMAP ou d’acheter dans les boutiques spécialisées. C’est ce qu’ont su faire les supermarchés de Paris (la Louve, implanté dans le quartier de la Goutte d’or) et de New-York (Park Slope Food Coop, implanté à Brooklyn).
Quelles sont les forces du supermarché coopératif et participatif ?
LR : On espère arriver à un taux de 80 % de produits issus de l’agriculture biologique et non exposés aux pesticides. Ce constat est important car la région est très infestée par les pesticides. On effectue à travers nos 10 groupes de travail une sélection pointue pour favoriser le circuit court et le commerce équitable. Ce que l’on recherche de nos producteurs, c’est qu’ils soient en accord avec notre charte et qu’il la respecte. On vise aussi 3000 références de produits seulement dans notre catalogue. On est à la recherche de la qualité pour tous les porte-monnaie. Rien ne sert d’avoir tout, le meilleur suffit. Ce que l’on fait de différent par rapport aux grandes surfaces classiques, c’est qu’à travers le fonctionnement participatif (voir ci-dessous), on veut créer du lien social, faire en sorte que les gens se rencontrent et partagent les mêmes valeurs de vie et de consommation.
Quel sera le modèle de fonctionnement du supermarché ?
LR : Comme son appellation l’indique, il sera coopératif et participatif. Coopératif veut dire que chaque adhérent à l’association ou propriétaire de part sociale aura accès au supermarché et pourra y faire ses courses. Chacun des membres aura autant de poids et de droits dans les décisions de gestion et d’exploitation à prendre. Si à terme, le supermarché dégage de gros bénéfices, il ne s’agira pas de redistribuer des dividendes mais bien évidemment de faire de l’investissement pour le supermarché.
Pensez-vous que le modèle puisse être pérenne ?
LR : On est sans cesse à la recherche de financements, mais on a obtenu de nombreux prix, comme le prix coup de cœur de l’ESS Bordeaux Métropole et le prix de l’innovation social de la région. Cela montre que beaucoup croient en nous et que l’on est sur la bonne voie. Ensuite l’ouverture du capital va nous permettre d’établir nos fonds propres, ce qui va débloquer les emprunts. L’exemple de New-York est essentiel pour nous. Il est ouvert depuis 43 ans et ne cesse de faire des émules. Si ça a fonctionné là-bas, ça peut fonctionner ici, les gens sont très réceptifs. Notre projet ne se consacre pas uniquement sur le supermarché, mais aussi sur la création d’ateliers et de services autour de la notion du bien manger, lutter contre le gaspillage alimentaire et contre l’isolement des personnes à mobilité réduite. Ce qui nous encourage également, c’est que le modèle essaime un peu partout et que l’on nous demande des conseils. Actuellement, d’autres projets se préparent en France : Otsokop à Biarritz, La Chouette Coop à Toulouse ou bien Superquinquin à Lille.
Propos recueillis par Gérémy Charrier