Mardi 21 janvier au matin, les forces de l’ordre ont débloqué le péage de Virsac (33) et expulsé les gilets jaunes présents depuis quatre jours. Désormais, la petite bourgade reprend son souffle.
Hormis le bruit des pales de l’hélicoptère qui survole la zone à basse altitude, rien ne trouble la quiétude des lieux. Ceux qui vivent dans l’impasse du Brouillat à Virsac ne sont séparés de l ‘autoroute que par un talus. Ce mardi 21 janvier, ils n’entendent pourtant pas le tumulte habituel du trafic. En effet, la portion de l’A10 où se trouve le péage est fermée à la circulation. Après le saccage survenu dans la nuit de lundi à mardi, vient le temps de la reconstruction. Les engins déblaient la zone évacuée au matin et les pompiers éteignent les dernières braises.
Derrière le grillage d’entrée de sa maison avec jardin, Claude, 73 ans, respire enfin. « Ces derniers jours, toute l’impasse était bloquée. Les gilets jaunes ont fait un trou dans la clôture pour franchir le talus et accéder au péage », raconte le retraité. En short et polo malgré le froid, il explique avoir « suivi à la télé ce qui se passait à quelques centaines de mètres de chez [lui] ».
Sa femme Jacqueline arrive sur le perron. Ce qu’elle retient de ces quatre journées de blocage du péage, c’est avant tout « les CRS devant la maison » et « les fumées des pneus brûlés qui ont causé des tâches noires sur mes murs ». « On a dû tout nettoyer », explique Claude.
« J’étais aux premières loges ! »
A quelques pas de là, autre impasse mais même constat. La maison de Josiane, 73 ans, donne directement sur le péage. Sabots en plastique aux pieds et chandail sur le dos, elle sourit : « J’étais aux premières loges ! ». Elle revient sur les événements qui ont animé le quartier ces derniers jours : « A part la nuit des casseurs, c’était plutôt calme. L’ambiance était bon enfant : les gilets jaunes chantaient, jouaient du tambour… »
La retraitée déplore cependant l’usage de « gaz lacrymogènes, amenés par le vent jusqu’au jardin ». Pendant ce temps-là, à l’entrée réservée aux travailleurs du péage, des pompiers s’affairent autour d’une borne à incendie.
Malgré la gêne occasionnée pour les riverains, les gilets jaunes semblent toujours bénéficier de la sympathie des habitants du quartier. Claude et Jacqueline déplorent cependant les débordements, « qui sont du fait de casseurs cagoulés vêtus de noir, et non de gilets jaunes ». Josiane partage cette position : « maintenant, tout est cramé… et qui va devoir payer ? C’est nous, les contribuables… »
Dans le cœur du village, les rues sont désertes en ce début d’après-midi. Alexandre Millet, cadre de 28 ans, marche en direction du péage de Virsac : « je me promène, j’ai envie de voir ce qui se passe là-bas ». Pour lui, « les gilets jaunes vont reprendre le péage, c’est sûr ».
S’il ne travaille pas ce mercredi c’est parce qu’il a pris un jour de congé forcé : « j’étais obligé, regrette-t-il, je ne pouvais pas me rendre au bureau ». La veille, il a mis 2h30 pour parcourir les dix kilomètres qui le séparent de son lieu de travail.
Un quartier sous haute sécurité
La zone est encore sous haute sécurité. Aux alentours de l’autoroute, les gendarmes patrouillent. Deux gilets jaunes passent à vélo dans une rue proche du péage, ils sont immédiatement interceptés par les forces de l’ordre et contrôlés, avant de pouvoir circuler à nouveau.
A trois kilomètres au sud du péage de Virsac, sur un rond-point de Saint-André-de-Cubzac, un groupe de gilets jaunes est présent sous l’œil attentif des gendarmes. Ils sont plusieurs dizaines, certains ont même dormi sur place.
Christophe, la cinquantaine, fait partie de ceux qui ont bloqué le péage. Sur un ton virulent, il explique la nouvelle stratégie des gilets jaunes : « maintenant, on ne bloque plus. On reste au bord de la route, on se montre, comme ce qu’on est en train de faire maintenant ».
Des chauffeurs de camions solidaires du mouvement klaxonnent au passage du rond-point. Christophe l’assure : « on ne rebloquera pas de voie d’accès. Mais on n’abandonnera pas pour autant. Des blocages sont envisagés dans les raffineries notamment ». Les habitants de Virsac pourraient donc très vite retrouver leurs habitudes.
Par Hippolyte Radisson