À Bordeaux, une exposition offre un nouveau regard sur les violences faites aux femmes

Du 8 décembre au 31 mars 2026, des photos sont affichées sur les murs de l’École Nationale de Magistrature à Bordeaux. Réalisées par Julie de Waroquier, les images allient le fantastique et l’implicite pour représenter un sujet à l’actualité préoccupante.

L’exposition rue du Maréchal Joffre sur les murs de l’École Nationale de Magistrature à Bordeaux ©Jean Bouyer

Si vous passez rue du Maréchal Joffre près de la cathédrale Saint-André, vous serez sans doute interpelés par des photos exposées sur une grille le long de l’École Nationale de Magistrature. On y voit des femmes à genoux, courbées, les mains liées, dans une atmosphère onirique. Clichés de femmes : violences visibles et invisibles. C’est le nom de l’exposition créée par la photographe Julie de Waroquier. Initialement réalisées pour un livre publié en 2019, les images ont été réinvesties pour aborder les violences faites aux femmes. En France, une femme a été tuée tous les trois jours en 2024, selon les dernières données publiées par la Mission interministérielle pour la protection des femmes, un chiffre en augmentation de 11 % par rapport à 2023. Une situation inquiétante connue des magistrats, en première ligne du traitement judiciaire des plaintes déposées par les victimes. C’est dans ce contexte que l’École Nationale de Magistrature a offert ses murs à l’exposition de Julie de Waroquier.

Des images imprégnées d’onirisme

Exposées en plein air, les photos se présentent donc au regard fugace des passants. Parmi eux, Jean-François : « J’ai vu le panneau qui expliquait le propos. Je me suis arrêté pour regarder ». Il parcourt les 20 images qui se suivent sur une cinquantaine de mètres, le long du trottoir. À la fois séduit et un peu déconcerté, il partage son avis sur l’exposition : « Je les trouve très belles. Les photos n’évoquent pas directement la violence et rendent le sujet supportable. Après, est-ce que j’aurais compris le sens si je n’avais pas lu le panneau explicatif ? Je ne sais pas. »

Il faut dire que l’esthétique adoptée est singulière. Sur une photo, une femme a le dos vouté, couvert de pinces à linge. Sur une autre, le sujet se tient debout, mais à la place de la tête se trouve un cintre. Toutes les images sont en effet imprégnées de fantastique, un choix assumé par la photographe Julie de Waroquier : « C’est une manière de rendre les images soutenables. Je veux montrer ces violences de façon à ce qu’on puisse vraiment les regarder, sans être horrifiés ni dégoûtés. Passer par la fiction, le fantastique, c’est aborder autrement le réel. »

Montrer l’invisible

Il n’y a donc pas de représentation explicite de la violence. Un choix qui permet de rappeler qu’elle peut être invisible, qu’elle n’est pas seulement physique, mais aussi psychologique. Comment mettre en image ce qu’on ne voit pas ? La photographe a plusieurs pistes : « J’ai recours à des symboles. Une idée, une émotion, on peut la suggérer avec une lumière, un jeu de couleurs, des accessoires, la posture du personnage ».

Une démarche qui a convaincu Marie-Odile, une autre passante attirée par l’exposition : « Je trouve ça très beau et très subtil. Ce n’est pas une violence qui vous agresse, et pourtant tout est dit. »

Jean BOUYER et Cyril ESSISSIMA

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