« Accepter la douleur pour mieux la supporter »

Le cancer occasionne souvent des souffrances continues et intenses.

A l’Athénée de Bordeaux, la Ligue contre le cancer a organisé ce jeudi une conférence sur les effets médicaux de l’hypnose et du yoga. Ces techniques permettent au patient de mieux accepter sa douleur et sa condition.

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« Vous allez inspirer pendant trois secondes. Puis vous bloquez votre respiration pendant cinq secondes. Ensuite, expirez en gonflant le ventre ». Le silence est total dans la salle bondée de l’Athénée de Bordeaux. Seule résonne la voix du docteur Fabrice Lakdja, président de la ligue contre le cancer 33 et ancien anesthésiste. Il pratique aussi l’hypnothérapie et propose à la salle une expérience d’hypnose. Pendant cinq minutes, il va faire travailler les patients sur leur respiration et leur détente. Bien sûr, ce n’est pas aussi impressionnant que le show de Messmer: l’hypnose médicale n’a rien à voir avec l’hypnose de spectacle.

« Tout le monde fait de l’hypnose »

« Il appréhendera le diagnostic du cancer avec beaucoup plus de sérénité, il fera face aux effets secondaires de la chimiothérapie : nausées, vomissements, etc ; il pourra mieux utiliser ses médicaments contre la douleur, il participera davantage à sa vie sociale… », énumère Fabrice Lakdaj. Dans son ancienne clinique à l’institut Bergonié, il a vu défiler beaucoup de patients atteints du cancer. Pour lui, l’hypnose ou la méditation sont des moyens complémentaires de lutter contre la maladie, et les souffrances occasionnées. Comment ? Lorsqu’une personne atteinte d’un cancer entre en hypnose, elle se plonge dans un « état altéré de la conscience ». Elle a conscience d’elle-même, tout en restant en « veille ». Elle ressent un fort sentiment de détente, son attention reste focalisée sur un point précis, et elle ne porte aucun jugement sur ce qui l’entoure.

Cet état, Fabrice Lakdja nous explique que nous l’avons déjà tous vécu, sans l’aide d’un thérapeute : « Quand vous conduisez sur l’autoroute en ligne droite et que vous ne vous rendez pas compte du chemin parcouru, vous êtes dans un état hypnotique ». L’objectif pour le docteur, c’est que les patients puissent pratiquer l’auto-hypnose qui permettrait à des personnes atteintes d’un cancer de s’autosoulager.

Hypnose et yoga : deux visions de la douleur

Même si ces deux techniques ont une approche assez semblable, elles sont en fait radicalement différentes. Le thérapeute explique que l’on se retrouve dans deux états différents : « lorsqu’on médite, on a une conscience non altérée de la réalité : c’est à dire qu’on ressent tout ce qui se passe à l’instant présent. Pendant l’hypnose, notre conscience est altérée : en fait, on se focalise sur un élément sans se soucier du reste. » Concernant le soulagement de la douleur, les deux méthodes diffèrent aussi. Avec l’hypnose, on peut choisir de contrer la douleur ou simplement de la fuir. Lorsqu’on est en méditation, on ne ressent plus la douleur, car on est détaché de son propre corps.

Mais attention, la médiation est une gymnastique intellectuelle et affective dure à maîtriser. Le psychothérapeute et spécialiste du yoga Bernard Auriol, explique que le patient doit apprendre à « ne rien faire, à regarder le fil de ses pensées comme si c’était un film, sans interférer. Ce n’est pas du tout facile au début ! » Pareil pour la gestion de la douleur : il faut d’abord passer par un moment inconfortable, avant de voir la souffrance s’atténuer: « On va toujours essayer d’éviter la souffrance. Par exemple, si j’ai mal à un point du dos, je vais essayer de le masser pour enlever la souffrance. Dans le yoga, je vais au contraire concentrer toute mon attention sur la douleur, sans rien faire pour qu’elle baisse. Au début, elle est insoutenable, mais au bout d’un certain temps, elle s’atténue. » D’après lui, beaucoup de personnes abandonnent car elles ne sont pas soulagées immédiatement. C’est un travail de longue haleine, et il faut s’accrocher.

Attention aux charlatans ! 

A la fin de la séance d’hypnose, le docteur Fabrice Lekdaj demande aux participants de rapprocher leur main gauche de la droite. Puis il demande à l’assemblée d’ouvrir les yeux : « alors, qui a eu envie de bouger sa main ? » Peu de mains se lèvent, mais c’est normal : seules 6% des personnes sont hypersensibles à l’hypnose. Enfin, le thérapeute met la salle en garde : quand des personnes malades souhaitent pratiquer l’hypnose, elle doivent aller voir un médecin. « L’hypnotiseur a une emprise énorme sur son patient, et donc une responsabilité très importante. C’est lui qui va influer sur l’état d’une personne en fin de séance. S’il lui dit : « tout va bien, vous êtes détendue », elle sera sereine. » Surtout concernant une maladie aussi traumatisante que le cancer : un médecin pourra poser son diagnostic, accompagner en douceur son patient pour la phase de mise en hypnose et le réveil.

Pour ce qui est des malades, l’hypnose doit être contrôlée : il faut utiliser les bons mots, la bonne méthode, le bon diagnostic.

Pour Bernard Auriol, le cas de la méditation est quelque peu différent : le malade n’est pas sous le pouvoir d’une autre personne. Il peut donc la pratiquer comme il le souhaite. Il souligne les effets bénéfiques de cette méthode sur les patients en phase terminale : « ils ont montré un déroulement de leur fin qui me paraissait plus paisible que d’autres… »

Margaux Dubieilh

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