« L’arrachage des vignes seul ne suffit pas », Gaëlle Jean (Confédération paysanne)

Le gouvernement a annoncé débloquer 130 millions d’euros pour un nouveau plan d’arrachage des vignes. Une nouvelle accueillie favorablement par Gaëlle Jean, vigneronne et co-secrétaire départementale de la Confédération paysanne de Gironde. Mais le syndicat veut aller plus loin : il réclame la création d’un Établissement Public Foncier pour inciter à la diversification.

Entre 2023 et 2025, 18 000 hectares de vignes ont déjà été arrachés dans le vignoble bordelais ©Carla Morand

Êtes-vous satisfaite du nouveau plan d’arrachage des vignes proposé par le gouvernement ?

Oui, nous le sommes car l’arrachage est un processus coûteux. Depuis 2019, la Confédération paysanne alerte sur le souci de surproduction viticole et demande des primes d’arrachage. Le siècle dernier, on a poussé les vignerons à la monoculture et à agrandir leur exploitation, sans anticiper la baisse de la consommation de vin que nous connaissons aujourd’hui.

4 000 euros d’aide par hectare arraché, est-ce suffisant pour qu’un viticulteur s’en sorte financièrement ?

Tout dépend du niveau d’endettement du viticulteur concerné. Dans le cas où l’objectif de l’arrachage est de cesser l’activité pour rembourser ses dettes, cela peut parfois suffire. Mais avant, il faut payer l’entrepreneur chargé d’arracher les vignes, ce qui coûte rapidement plus de 2 000 euros par hectare. Alors sur les 4 000 euros d’aides, la moitié est déjà utilisée. Pourtant, la somme versée par hectare arraché pourrait aussi aider à diversifier son activité.

Qui demandent ces aides sur l’arrachage ?

Certains ont le projet d’arracher l’ensemble des parcelles de vignes, et deux situations se présentent. D’un côté, des propriétaires louent leurs vignes à des exploitants. Lorsque ces derniers prennent leur retraite, beaucoup de propriétaires se retrouvent sans repreneur. De l’autre côté, des exploitants-propriétaires souhaitent bénéficier des aides à l’arrachage pour alléger leurs dettes et cesser leur activité. Un autre cas de figure concerne des viticulteurs souhaitant seulement réduire la taille de leur exploitation, pour éviter un trop grand besoin de main d’œuvre. L’enjeu est ensuite de déterminer ce qu’on fait des surfaces où la vigne a été arrachée.

« Sur les 4 000 euros versés par hectare de vignes retiré, la moitié est déjà utilisée pour financer l’arrachage. »

Gaëlle Jean (Confédération paysanne)

Faut-il conditionner le versement des aides au fait que les parcelles arrachées servent à diversifier l’activité après ?

L’installation d’une nouvelle culture, comme la noisette ou l’olivier, fait partie des solutions pour sauver la filière. Dans mon exploitation, je ne suis pas contre l’idée de cultiver un autre produit, mais il faut prendre en compte la nature des sols, l’achat de nouveau matériel ou la question de l’irrigation, ce qui ajoute des frais supplémentaires. La question de la préservation du paysage est aussi essentielle : on nous a souvent parlé de renaturation, mais comment installer un hectare de forêt au milieu des vignes ? Faut-il aller jusqu’à un remembrement de l’espace concerné ? Il faut donc débattre de la question de conditionner l’attribution des aides. L’arrachage des vignes seul ne suffit pas, le paysan doit ensuite pouvoir utiliser sa terre de manière viable.

La Confédération paysanne propose la création d’un Établissement Public Foncier en Gironde. En quoi consiste-t-il ?

L’Établissement Public Foncier servirait à ce que les parcelles de vignes arrachées ne soient pas transformées de manière désordonée et continuent d’appartenir à des paysans. On observe beaucoup de pression en faveur de l’installation de champs de panneaux photovoltaïques, ou bien des particuliers qui veulent acheter des terrains pour des loisirs. Le risque est donc que ces terres soient artificialisées. Mais si on laisse faire cela, les paysans disparaîtront. L’établissement permettrait d’aider les viticulteurs qui veulent partir à la retraite ou qui veulent se reconvertir, en rachetant ces terres et en orientant les exploitants. Cela offrirait une solution plus globale pour sauver la filière.


«L’Établissement Public Foncier servirait à ce que les parcelles de vignes arrachées ne soient pas transformées de manière désordonée et continuent d’appartenir à des paysans. »

Gaëlle Jean (Confédération paysanne)

Comment cet établissement serait-il financé ?

C’est en discussion avec les autres syndicats du département, et même de la région Nouvelle-Aquitaine, car il semblerait qu’un financement soit possible au niveau régional. C’est un investissement essentiel parce que la filière viticole est très importante dans l’économie girondine. L’idée de départ était de créer un établissement à l’échelle départementale, mais il faut maintenant débattre de l’implication de la région, tout en conservant la dimension locale du projet.

Propos recueillis par Ndieme FAYE et Hugo VLAMYNCK

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