Lundi 16 décembre, la Région Nouvelle-Aquitaine et la Fondation du patrimoine ont lancé un Fonds Nature pour financer des projets de préservation de la biodiversité grâce à des entreprises mécènes. Cette initiative soulage les associations environnementales en difficulté, mais celles-ci restent prudentes face aux questions éthiques liées à la Fondation et aux entreprises mécènes.
« Près de 74% des habitats naturels régionaux sont en mauvais état de conservation », alerte la Région Nouvelle-Aquitaine dans un communiqué. Face à ce constat alarmant, la Région et la Fondation du patrimoine ont signé, lundi 16 décembre, un partenariat inédit pour créer un Fonds Nature. Ce dispositif porté par la Fondation du patrimoine et alimenté par des mécènes publics et privés, vise à soutenir de futurs projets dédiés à la préservation de la biodiversité en Nouvelle- Aquitaine.
Des enjeux écologiques et économiques
« C’est une manière de créer du lien entre les entreprises et les collectivités autour d’un engagement sincère », a insisté Alain Rousset, président de la Région Nouvelle-Aquitaine. Il a aussi rappelé aux entreprises présentes que les dons réalisés dans le cadre du Fonds Nature étaient déductibles à hauteur de 60% des impôts. Ce modèle repose sur un principe « gagnant-gagnant », assure le président de la Région : s’impliquer dans ce fonds permettrait aux entreprises de « réaliser des performances extra-financières, renforcer leur image et leur attractivité, tout en accédant à de nouveaux marchés et financements ». Arnaud Gueguen, directeur de l’environnement pour la Région Nouvelle-Aquitaine, précise que cette initiative permet entre autres de répondre à la directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive). En vigueur depuis janvier 2024, elle oblige les multinationales à publier des rapports publics sur leurs engagements en matière de durabilité, en se basant sur les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance. Ces incitations pousseraient à des comportements plus vertueux.
La potentielle présence d’entreprise privée questionnée
Charly Malle, chargé de mission au Conservatoire d’espaces naturels de Nouvelle-Aquitaine, exprime l’importance de ce fonds : « Aujourd’hui la situation économique limite les financements et affecte notre travail. Le fonds peut être bénéfique pour l’environnement, à condition que les actions soient bien menées. » Pour l’instant, il bénéficie d’une dotation de 200 000 € apportée par la Région et la Fondation du patrimoine. Son objectif est de mobiliser bien au-delà. « Nous voulons faire bouillonner l’intérêt collectif autour d’une cause », explique Guillaume Poitrinal, président de la Fondation du patrimoine. L’objectif étant de lever jusqu’à 800 000 € par an. Cependant, l’implication d’entreprises privées dans ce genre de projets est questionnée. Arnaud Gueguen, Directeur de l’environnement pour la Région Nouvelle-Aquitaine, décrit cette collaboration comme « une synergie de nos deux compétences : la Région est garante de l’intérêt général et la Fondation du patrimoine apporte une expertise du mécénat ».
La Fondation du patrimoine, connue pour son loto confié à Stéphane Bern, soutient depuis 2009 des projets liés à la biodiversité grâce à un programme dédié. Son objectif : trouver des financements. Pour d’autres missions que le Fonds Nature, la Fondation a parmi ses plus grands contributeurs Total Energies, EDF, BNP Paribas ou encore Société Générale. Toutes ces entreprises figurent parmi les entreprises françaises avec le bilan carbone le plus élevé, selon le rapport d’Oxfam. Elles sont souvent accusées de greenwashing, une pratique qui consiste à afficher une image écologique trompeuse. Questionné sur ce sujet, Arnaud Gueguen réagit : « Pour l’instant, il n’ y a pas d’entreprise intéressée par le Fonds Nature qui ont fait savoir qu’elles étaient peu vertueuses. » Les associations environnementales envisagent cette solution avec beaucoup de prudence. Jean-Michel Passerault, bénévole et référent biodiversité pour France Nature Environnement Nouvelle-Aquitaine déclare : « Nous y réfléchissons sans arrêt. Nous évitons de collaborer avec certaines entreprises, même si leurs projets sont intéressants. »
Dans l’attente de nouveaux projets
Rien n’est encore décidé pour les initiatives soutenues pour ce fonds. Un appel à projets sera lancé en janvier 2025. Ceux sélectionnés porteront sur la restauration des habitats, des aménagements spécifiques et des acquisitions de terrains pour la restauration d’habitats naturels. Les projets seront choisis par la Région et la Fondation, avec l’avis des mécènes et d’expert.es scientifiques, selon un critère principal : avoir un impact concret sur la biodiversité. Si la composition du comité scientifique demeure inconnue, Arnaud Gueguen garantit que ses membres n’auront aucun lien d’intérêt avec les entreprises mécènes.
Toutefois, la place de la Fondation dans ce processus est remise en question. Jean-Michel Passerault souligne qu’une institution privée n’est pas adaptée pour préserver la biodiversité. « Elle doit s’afficher sur des projets emblématiques, or, la biodiversité inclut des actions souvent invisibles, comme la réhabilitation d’une zone humide. » Selon lui, elle nécessite un engagement à long terme avec un financement continu. La préservation du vivant exige des initiatives durables et le maintien de connaissances scientifiques. Cela requiert des protocoles répétés chaque année. Le référent biodiversité conclut : « Les fonds apportés sont bénéfiques mais ne peuvent se substituer aux politiques publiques. »
Emma LIKAJ