La Métropole bordelaise revendique des actions pionnières en matière de bien-être animal, et saluées notamment par l’association L214. Pour autant, son étalement urbain augmente les zones de friction entre populations citadines et espèces non domestiquées susceptibles de causer des dommages, comme les sangliers. À l’occasion de la journée internationale du droit des animaux, nos journalistes se sont penchées sur la cohabitation humain-faune sauvage en zone urbaine.
Sous les périph’, la chasse. Bordeaux Métropole occupe un espace de près de 578 km², soit un peu plus que la superficie de la métropole de Lyon, pour une densité de population deux fois moindre. La métropole n’échappe donc pas au phénomène d’étalement urbain qui caractérise de nombreuses grandes villes, et conduit les zones résidentielles ou d’activités économiques à grignoter des espaces autrefois sauvages. De fait, les populations citadines se confrontent de plus en plus à des espèces « susceptibles d’occasionner des dégâts » (ESOD), qui prospèrent au sein des villes ou en marge de celles-ci. Au point de poser parfois des problèmes de cohabitation. Le confort des habitant·e·s et la rentabilité des exploitations supplantent alors les préoccupations sur le bien-être animal.
La régulation au fusil
La chasse dans les zones périurbaines constitue un moyen de réguler les populations d’ESOD. L’Association de chasse périurbaine de Bordeaux s’est créée il y a cinq ans, sous l’impulsion de la Fédération des chasseurs de la Gironde, face à une demande croissante de prélèvements de la part des habitants et autorités locales, comme la préfecture et la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM). L’association compte aujourd’hui une trentaine de membres, qui chassent aux marges de la métropole, au nord de Bordeaux et sur le secteur d’Eysines.
Ces chasseur·euse·s n’ont pas recours à la battue, « trop compliquée en zone périurbaine, à cause des habitations. On privilégie l’affût : on se poste à un endroit et on attend que les animaux sortent pour tirer. », explique Antoine Bourbon, président de l’association. Les chasseur·euse·s périurbain·e·s prélèvent quinze à dix-sept chevreuils et une trentaine de sangliers par an, deux espèces très présentes sur le secteur qui causent des dégâts sur les exploitations. Des maraîcher·e·s de Bruges ou d’Eysines sollicitent ainsi souvent l’association.
« La Métropole a fait appel aux chasseurs périurbains pour prélever des sangliers qui retournaient la terre dans le parc cimetière de Mérignac », complète Marylou Terlin, technicienne à la Fédération des chasseurs de Gironde. Elle ajoute que la chasse périurbaine « a surtout une visée régulatoire. Elle est encadrée par un plan de gestion de la faune périurbaine que la Fédération a élaboré en 2020 avec la préfecture. »
Des difficultés en milieu périurbain
Les chasseurs périurbains ne sont cependant pas les seuls recours des collectivités ou des exploitants en cas de dommages. Cédric Peyré, louvetier, est un agent bénévole de la préfecture qui peut, suite à un arrêté préfectoral, mener une opération de chasse sur l’ensemble du territoire, y compris des zones normalement interdites aux chasseurs, comme les réserves naturelles, pour réguler les populations sauvages. « 30 % du territoire de la Gironde n’est pas accessible à la chasse. En zone urbaine, surtout, beaucoup d’axes routiers, de parcs protégés et de zones d’habitations ne sont pas ouverts aux battues. », explique le lieutenant récemment nommé.
La Gironde compte aujourd’hui cinquante-neuf louvetier·e·s. Extrêmement sollicité·e·s dans le périurbain, iels prélèvent de plus en plus d’animaux : « En moyenne, on abat deux mille bêtes chaque année. En 2024, nous sommes à six mille prélèvements. » Une augmentation due, selon Cédric Peyré, à l’étalement urbain. Christophe Coïc, président de l’association de défense des droits des animaux Cistude Nature, ajoute : « Historiquement, on s’est employé à éliminer les prédateurs qui menaçaient les élevages et certaines espèces, comme le sanglier et le chevreuil, s’en portent très bien. » Dans ces conditions, la régulation par la chasse constitue selon lui un « moindre mal ». Au risque d’éclipser complètement le respect du droit animal ?
Une éthique du bien-être des animaux
Certains acteurs réfléchissent à une forme d’éthique de la chasse. « Notre devise, c’est “jusqu’au bout”. » Nicolas Dejean, délégué départemental pour la Gironde, décrit ainsi la philosophie de l’Union nationale pour l’utilisation de chiens de rouge (UNUCR). Cette association nationale rassemble des conducteur·ice·s agréé·e·s de chiens de sang, formés à suivre la piste d’animaux blessés, au cours d’une partie de chasse ou lors d’une collision. L’objectif : retrouver les animaux si possible, et les abattre pour abréger leurs souffrances. Iels peuvent être appelé·e·s pour intervenir en milieux périurbains, qui leur posent des difficultés particulières du fait de leur enclavement.
Carole Debregeas, conductrice à l’UNUCR, explique ainsi que la présence d’habitations lors des recherches l’empêche de lâcher son chien, et stresse encore davantage des animaux blessés qui peuvent devenir encore plus dangereux. Pour autant, elle est catégorique : « On ne laisse pas les animaux agoniser dans la nature. » À plus forte raison quand l’augmentation des prélèvements trouve selon elle sa source dans l’urbanisation extensive. « On a voulu trop s’étaler et, maintenant, on est chez eux. »
Alyssa Appino et Louise Jouveshomme