Nouveaux puits de pétrole en Gironde : Le ministre Roland Lescure se prononce favorable

Après la manifestation du dimanche 11 février à Bordeaux contre le projet de huit nouveaux puits de pétrole sur la bassin d’Arcachon, le Ministre de l’énergie s’est dit favorable au projet, évoquant la loi sur la fin des hydrocarbures en France. Une loi a double tranchant dont les effets sont visibles à travers ce projet.

« Moi je suis pour en tout cas » a conclu le ministre de l’Énergie Roland Lescure dans une interview réalisée sur France 3. Il s’agit du projet de forage des huit puits de pétrole de la concession de Cazaux, dans le Bassin d’Arcachon, porté par la Compagnie pétrolière Vermilion Energy. Le lendemain de la manifestation contre ce projet à Bordeaux, le ministre à affirmé être « pour continuer à extraire un peu de pétrole en France ».

Tout en défendant une suppression progressive des hydrocarbures, il a défendu la loi de 2017 qui met fin à l’exploitation des hydrocarbures a partir de 2040. Une loi qui n’a pourtant pas fait l’unanimité et qui permet de continuer à extraire du pétrole et réaliser des nouveaux forages sur les concessions en cours jusqu’à la date butoire.

Respect des réglementations en vigueur

La compagnie pétrolière canadienne Vermilion energy indique être dans le respect des réglementations en vigueur et de la loi. Selon un rapport de la compagnie de mars 2022,  «Les opérations réalisées […] remplissent toutes les conditions posées par la Loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures. »

La concession en question exploite 54,9 km² de terrain et s’étend depuis la commune de Cazaux jusqu’aux communes de La-Teste-De-Buch et de Gujan-Mestras. Elle existe depuis les années 1960 et appartient à la compagnie Vermillion depuis 2008. Une prolongation de 25 ans de validité à été accordée par l’État en 2010 pour son exploitation commerciale.

Le Collectif citoyen Stop Pétrole Bassin Arcachon, qui à réuni des centaines de personnes dimanche dans les rues de Bordeaux parmi lesquelles se trouvaient Philippe Poutou (NPA) le maire de Bordeaux Pierre Hurmic (EELV), mais aussi les militantes écologistes Camille Étienne et Greta Thunberg, s’oppose à tout nouvelle exploitation d’énergie fossile. Une pétition contre le projet a été diffusée en ligne et a déjà recueilli plus de 32 000 signatures. Le préfet devrait statuer dans les semaines qui viennent, mais le ministre semble déjà avoir donné le ton.

Respecter les accords de Paris

Le projet de forage est prévu derrière la Dune du Pilat.
© Stop Pétrole Bassin Arcachon.

Perrine, militante du collectif contacté par IMPRIMATUR rappelle les recommandations des scientifiques du Giec : « toute nouvelle exploitation d’énergie fossile est incompatible avec le fait de limiter le réchauffement climatique à 1 degré ». Pour le collectif ces matières doivent rester dans les sols pour espérer respecter les Accords de Paris sur le Climat.

Selon le Gouvernement, la loi de 2017 vient répondre aux engagements pris lors de ces accords, le 12 décembre 2015, à l’issue de la COP 21. Le gouvernement a adopté un « plan climat » en 2017 pour mettre en œuvre ces accords sur le territoire. La neutralité carbone à l’horizon 2050 en est un des axes majeurs. Pour cela, la loi de 2017 vient appuyer ce plan en fixant la fin des hydrocarbures en 2040.

Une loi controversée

Or, la loi n’a pas obtenu l’accord des deux chambres parlementaires. Elle a ainsi été rejetée par le Sénat puis adoptée en deuxième lecture par l’Assemblée, avec le vote pour de la majorité, le vote contre de la droite et l’abstention de la gauche. En effet, la loi a permis de poser un premier jalon dans la voie engagée dans les accords de Paris mais Nicolas Hulot, alors chargé du ministère de la transition écologique aurait « aimé aller plus loin dans ce texte ».

Jean-Charles Colas-Roy, rapporteur du projet de loi, dans son allocution lors de l’adoption du texte, parle de « deux visions orthogonales de la transition énergétique » au sein du parlement : «  l’une, volontariste, ambitieuse, portée par notre assemblée ; l’autre, conservatrice, défensive, portée par la majorité sénatoriale ». Ce clivage entre les deux visions illustre le manque d’accord social sur le sujet et le conflit sous-jacent.

Avis favorable

C’est ainsi qu’en octobre 2022, une demande d’autorisation pour exploiter huit nouveaux puits dans la concession de Cazaux à été envoyée par la compagnie pétrolière à l’État. D’août à septembre 2023, une enquête publique a été menée par la commissaire enquêtrice, Carole Ancla, qui, le 20 novembre 2023, a donné un avis favorable à la demande de la compagnie pétrolière.

Le 4 février, une tribune a été publiée dans le Monde demandant au préfet de Gironde de refuser des nouveaux forages dans la concession de Cazaux. © Stop Pétrole Bassin Arcachon.

Le collectif écologiste reproche à la commission de ne pas avoir pris en compte les avis recueillis lors de l’enquête « qui comprenait davantage d’avis négatifs que positifs ». Il constate que seul le préfet de Gironde Etienne Guyot a légalement la possibilité « d’empêcher ce projet écocidaire » et lui demande de ne pas autoriser cette exploitation lors de la manifestation du 11 février. Pourtant, au vu des déclarations du ministre de l’Énergie, il semblerait que la même loi qui devrait appuyer les engagements pris lors des accords de Paris permettra aussi de les retarder.

« Double discours »

« Le projet des huit forages supplémentaires n’est pas illégal, c’est toute la subtilité pas très subtile des positions du gouvernement ou même des pouvoirs locaux en général qui sont soucieux de l’environnement en parole mais beaucoup moins en actes. », souligne Philippe Poutou, militant du NPA et signataire de la tribune publiée par Le Monde. Il semblerait donc que le projet pourrait aboutir en application de la loi et en contradiction avec les accords de Paris.

La politique gouvernementale en matière de transition énergétique à été évoquée par le président de la République le même jour que la déclaration du ministre de l’Energie. Sur son compte X Emmanuel Macron à déclaré « oeuvrer pour une transition juste » à l’occasion de son entretien avec John Kerry envoyé spécial du Président des États-Unis d’Amérique pour le climat.

L’engagement affiché du gouvernement pour la transition écologique contraste avec la décision attendue du préfet de Gironde, qui ne devrait pas contredire l’avis du ministre de l’Energie. Ce dernier s’est vanté que la France soit le premier pays à avoir adopté une loi qui planifie la fin des énergies fossiles. Pourtant, en attendant 2040, le pétrole jaillit toujours.

Esteban BASTIÉ AGUERRE et Haizpea ABRISKETA PUYO

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