Historiquement ouvrière et industrielle, la ville tente depuis quelques années d’opérer un virage vert dans ses mobilités en misant sur le vélo. Mais la réalité reste loin des espérances des habitants…
Les freins crissent. Le vélo s’immobilise. Pierre, 71 ans et retraité bien en jambes, descend tout sourire. « Problème de graisse ! » annonce-t-il, d’un ton ironique. « Et bien, on va regarder ça », lui répond du tac au tac Wilfried, salarié de l’association Vélo-Cité. Comme chaque mois, et durant une semaine, l’association qui défend l’usage du vélo dans l’agglomération bordelaise vient à la rencontre des cyclistes des quatre communes de la rive droite (Lormont, Cenon, Floirac et Bassens), grâce à sa « Maison Itinérante du Vélo et des Mobilités ». Déployée cet après-midi à Lormont devant l’espace Brassens-Camus, l’initiative, qui propose de l’auto-réparation, n’a pas à attendre ses premiers cyclistes embêtés. Problème de frein, crevaison, chaîne déraillée… Les pépins sont aussi divers que les propriétaires. “C’est vrai qu’on a notre petit succès”, reconnaît, modeste, Nolwenn, salariée également de l’association. “On a en moyenne entre 3 et 6 personnes par après-midi”. Un chiffre qui, s’il n’est ni énorme, ni minime pour Lormont, reflète une réalité délicate où les cyclistes ont bien du mal à se frayer un chemin.
“Des caniveaux à vélo”
“Oh la ! A Lormont, le vélo c’est toute une histoire !” Quand on lui parle de la réalité du terrain, Pierre redouble, pour ainsi dire, d’ironie. Un moyen d’atténuer pour lui sa critique. “Lormont est beaucoup, beaucoup à la traîne sur le sujet”, peste celui qui assure pratiquer au quotidien “depuis 1987”. “Demain, je vais chez Mollat [à Bordeaux] par exemple et je vais encore devoir traverser des espèces de caniveaux à vélo extrêmement dangereux, le temps de rejoindre les quais plus sécurisés.” Ces “caniveaux à vélo”, ce sont les bandes cyclables aménagées ces dernières années pour les cyclistes. Pour beaucoup de riverains, celles-ci sont peu sécurisées, en témoigne les chiffres de la Fédération des Usagers de la Bicyclette qui publie tous les deux ans son “baromètre des villes cyclables”, sorte d’observatoire indépendant qui note les plus grosses communes de France selon plusieurs critères cyclables. En 2021, Lormont était ainsi classée “E” en matière de sécurité, sur une échelle allant jusqu’à “G”. Une évaluation qui n’étonne guère Bernard, 66 ans et retraité bénévole à Vélo-Cité : “Certains endroits font peur. Les 30 km/h ne sont pas du tout respectés. C’est vraiment chaud par moment.” Lui pointe globalement le manque de pistes cyclables séparées dans la vieille ville, sur des axes notamment très passants comme l’Avenue de la Libération, l’une des artères principales de Lormont.
Une problématique plus large
Contacté, Jeoffrey Ruiz, adjoint aux mobilités de la Mairie, répond que “de nombreux nouveaux aménagements sont à l’étude dans les services Métropolitains (axe Carnot Kennedy, Avenue de la Résistance, Rue Pierre Mendes France, avenue de la Gardette….). Nous avons également de nombreux travaux à venir pour lutter contre les discontinuités cyclables (Avenue de Paris pour franchir le Pont SNCF pour l’exemple le plus emblématique). Concernant la sécurité des cyclistes, l’élu affirme que “le déploiement [du plan] Ville 30 en 2021 doit permettre également d’abaisser les vitesses des véhicules légers pour sécuriser la circulation piétonne et cyclable.” “A sa décharge, la mairie a aussi hérité d’un réseau routier et de tram qui n’a pas été pensé pour le vélo” contre-balance Bernard qui ne veut, pour sa part, pas accabler la mairie, jugée pour beaucoup inactive sur le sujet ou dans la communication permanente. “Et puis on a aussi une géographie pas facile ici” ajoute-t-il, sourire en coin, en référence à la topographie de la commune partagée entre quais à hauteur de Garonne et le cœur de la commune sur les hauteurs. “De toute façon, la question se pose à l’échelle de la rive droite, longtemps délaissée, car les communes voisines connaissent les mêmes problématiques” complète Wilfried, à cheval avec la Maison Itinérante sur Lormont, Floirac, Bassens et Cenon. Une interconnexion que souligne également Jeoffrey Ruiz qui rappelle que “Lormont s’inscrit pleinement dans la dynamique du Schéma des Mobilités voté par Bordeaux Métropole.” Un renouveau prévu jusqu’en 2026 et qu’attendent donc impatiemment les lormontais.
Timothée Gimenez