Le texte de loi Immigration a été présenté aujourd’hui, puis débattu sans vote, à l’Assemblée nationale. Au programme, un titre de séjour “métiers en tension”, accordé aux travailleuses et travailleurs sans-papiers dans les secteurs ayant du mal à recruter. Une mesure attendue par les professionnel·les de la restauration.
Face aux difficultés qu’ils ont à recruter, les restaurateur·rices tirent la sonnette d’alarme. Le chef étoilé Thierry Marx, président de l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH), s’est exprimé lundi dans les colonnes du Journal du Dimanche, en faveur d’une régularisation des salarié·es étranger·ères du secteur. En coulisses, une loi Immigration sauce “métiers en tension” mijote. Le gouvernement en a présenté les contours aujourd’hui à l’Assemblée nationale.
Parmi les mesures phares, sa volonté de permettre à certain·es travailleur·euses sans-papiers, actif·ves dans des domaines qui peinent à recruter, de bénéficier d’un titre de séjour d’un an renouvelable. Comme annoncé dans l’avant-projet de loi paru le 11 novembre dernier, la restauration devrait intégrer la catégorie des métiers en tension courant 2023. Cette solution est-elle viable pour un secteur qui, selon l’UMIH, compte 200 000 postes non pourvus ?
“La fin d’un non-dit”
À Bordeaux, Lucas, patron de la Brasserie Maillard, est touché de plein fouet par le manque d’attractivité des métiers de la restauration. Son commerce de la rue Saint-Rémi ouvre jeudi, et il lui manque trois salarié·es. “J’ai vraiment du mal à trouver du personnel non-qualifié, notamment sur les postes de commis”, déplore le trentenaire. Debout au milieu du restaurant flambant neuf, il se dit favorable à l’idée d’un titre de séjour “métiers en tension”. “C’est la fin d’un non-dit dans la restauration. On ne va pas se mentir : l’immigration est indispensable à notre écosystème. Une bonne partie du personnel non-qualifié que l’on parvient à recruter en est issu”, reconnaît-il.
La main-d’oeuvre immigrée, une solution parmi d’autres
Mais cette mesure suffira-t-elle à pallier les difficultés de recrutement que le secteur traverse ? “Non. Cette loi est un pansement. Elle pourra atténuer les symptômes mais pas soigner la maladie”, rétorque l’entrepreneur. Même son de cloche du côté de l’UMIH de la Gironde. Pour un responsable du premier syndicat patronal de la branche, toute solution permettant de trouver du personnel est la bienvenue. “Ce n’est peut-être pas le meilleur remède, mais faute de main d’œuvre, il faut bien trouver des réponses”, explique celui qui a souhaité garder l’anonymat.
Un système de régularisation perfectible
Reste que pour l’UMIH, la future loi sur l’immigration doit dépasser le seul effet d’annonce. Selon elle, l’État doit, en parallèle, rendre plus efficientes ses administrations. “Les employeurs ont la possibilité de faire venir un travailleur étranger pour des besoins précis, mais c’est très difficile sur le plan administratif, alors même qu’on est dans le cadre légal”, lance le syndicaliste. Constat partagé par Merwane*, gérant d’un restaurant traditionnel marocain situé dans le centre-ville, qui a fait les frais des lenteurs administratives le mois dernier : “Le titre de séjour d’un de mes salariés, papa de deux enfants, arrivait à expiration le 15 novembre. Sur une période de quinze jours, j’avais un clandestin dans ma cuisine, car la préfecture a mis du temps à lui accorder son renouvellement. Légalement, j’aurais dû le licencier en attendant qu’il soit en règle. C’est aberrant”. À voir désormais si la loi Immigration, examinée au Parlement début 2023, changera la donne.
*Le prénom a été changé.
Adam Lebert et Luigy Lacides