A l’occasion du référendum sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie qui doit se tenir dimanche, de nombreuses voix s’élèvent pour demander son report. Nous avons rencontré Nylene Waihménë, représentante bordelaise du Mouvement des jeunes kanaks de France (MJKF). Elle nous explique les enjeux de cette mobilisation.
Originaire de l’île Lifou, en Kanaky-Nouvelle-Calédonie, Nylene Waihménë est arrivée en France métropolitaine fin 2017. Samedi dernier, elle manifestait place de la Victoire avec le Mouvement des Jeunes Kanaks de France (MJKF). Face à l’appel à la mobilisation du Front de Libération National Kanak Socialiste (FNLKS) pour le report du référendum sur l’autonomie prévue le 12 décembre 2021, son engagement est devenu politique.
Pourquoi le MJKF demande-t-il le report de ce référendum au motif de la situation sanitaire ?
Depuis le mois de septembre, 279 personnes sont décédées du Covid-19 en Kanaky-Nouvelle-Calédonie. Avec 270 000 habitants, cela représente 0,1% de notre population. Chez les Kanaks, mais aussi chez tous les Océaniens vivant en Nouvelle-Calédonie, les traditions sont importantes. Face au deuil, des cérémonies doivent être respectées. C’est par ces coutumes que l’identité kanake existe et ces cérémonies n’ont pas pu être honorées à cause de la crise sanitaire. Cette particularité de notre identité culturelle a été reconnue dans la Constitution française après l’accord de Nouméa. Nous demandons simplement de pouvoir honorer nos morts au lieu de maintenir à tout prix ce référendum sur l’indépendance.
Pourquoi soutenez-vous qu’en refusant de reporter le référendum, la France se montre partisane avec les non-indépendantistes?
L’accord de Nouméa stipulait que le troisième référendum devait se tenir au plus tard en octobre 2022 pour éviter le chevauchement de la campagne avec celle de la présidentielle. Mais le gouvernement d’Emmanuel Macron a décidé de l’avancer pour clore la question calédonienne avant la fin de son mandat. Avec son refus de reporter le référendum malgré nos demandes, l’État n’est pas neutre: il a pris position pour les non-indépendantistes. Et cela alors même que la Kanaky-Nouvelle-Calédonie fait partie des 17 derniers pays de la liste des Nations Unies qu’il reste à décoloniser.
A la question « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? », c’est le “non” qui a remporté les deux dernières fois. Pourquoi pensez-vous que ce troisième référendum pourrait changer la donne?
Au premier référendum de 2018, les sondages pronostiquaient 30% de “oui” , mais il y en a eu 42%. Or, la population kanak correspond à 39% des habitants : on voit bien que ce n’est pas uniquement les Kanaks qui veulent l’indépendance, mais aussi certains Caldoches – qui sont les descendants européens – ou les Océaniens originaires des pays voisins. Lors du deuxième référendum, le taux de participation a augmenté, faisant grimper le “oui” à 45%. Aujourd’hui, si l’on avait la possibilité de mener une vraie campagne de mobilisation, le taux pourrait monter davantage. Ce qui ne sera pas le cas si le référendum est maintenu ce dimanche.
Ne craignez-vous pas que l’appel à la mobilisation ne se mue en heurts violents, comme en 1984 ?
En Kanaky-Nouvelle-Calédonie, la consigne donnée par le FLNKS est de mobiliser “sans haine ni violence, mais résolument pour l’indépendance”. C’est un appel à la “non-participation” au référendum qui est lancé, contrairement à l’appel au boycott et aux armes de 1984. Dimanche, les drapeaux kanaks seront en berne et les indépendantistes viendront s’asseoir devant les urnes sans voter. Ensuite, nous ne participerons pas aux tables rondes pour définir le nouveau statut du pays.
Mardi dernier, la demande de report du référendum coordonnée par le MJKF et signée par 150 citoyens français a été rejetée par le Conseil d’État. Quel avenir subsiste pour la mobilisation du MJKF en métropole contre le référendum?
Tous les membres du MJKF sont appelés à se retrouver ce week-end à Paris.
En ce moment, une pétition circule en ligne pour protester contre le maintien du référendum. Lancée cette semaine, elle a déjà recueilli près de 800 signatures. Nous cherchons maintenant un soutien international: une délégation élue du FLNKS est en route pour les Nations-Unies, afin de protester contre le maintien du référendum et son futur résultat.
Propos recueillis par Aude Cazorla