Entre samedi 3 et dimanche 4 avril, 160 pompiers ont été mobilisés pour éteindre le premier grand feu de l’année en Gironde. 300 hectares de forêt sont partis en fumée à Avensan, dans le Médoc. Le département est celui qui connaît le plus de départs de feu mais, d’après la préfecture, les surfaces détruites restent relativement faibles.
Le Sud-Ouest possède un massif forestier important qui représente près d’un million d’hectares de surfaces boisées. La Gironde à elle seule concentre près de la moitié de ces massifs, le plus importants d’entre eux étant celui des Landes de Gascogne. Une surface boisée plus conséquente que chez ses voisins, qui augmente les risques d’incendies. D’autant que la végétation de la zone est propice aux incendies non seulement l’été, mais également au printemps, comme le précise Pierre Macé, directeur de la DFCI (défense des forêts contre l’incendie en Aquitaine) : “La végétation de l’année précédente, notamment la molinie et la fougère restent mortes et sèches. Cette végétation est très inflammable et se développe sur des stations forestières humides sur lesquelles la nappe phréatique à tendance à remonter.” Une zone à haut risque où les pompiers sont susceptibles d’enliser leurs véhicules sur ces terrains parfois impraticables.
Le premier département en termes de départs de feu
La Gironde est un territoire vaste : 200 km du Nord/Sud et 120 km Est/Ouest, qui attire chaque année des flux importants de voyageurs, notamment en période estivale. Pour accéder aux plages, les touristes traversent le Médoc dont la seule route d’accès est une départementale. Un itinéraire unique qui se retrouve vite saturé par les vacanciers. Cette concentration d’activité humaine dans un espace restreint et proche de massifs accroît, une fois encore, les risques d’incendies. Le tout dans un territoire déjà sensible au climat où les feux peuvent être déclenchés aisément par des conditions météorologiques spécifiques, notamment des impacts de foudre responsables de 6% d’entre eux.
Les risques d’incendie sont également étroitement liés aux activités professionnelles de la région. Les forêts du département sont aménagées par la sylviculture – la culture des arbres, entretien et exploitation des forêts-. Celle-ci contribue parfois au déclenchement d’incendies notamment par échauffement des lames de tracteurs qui créent parfois des étincelles. Cela reste toutefois rare tient à préciser Pierre Macé puisque “quand on rentre en période propices aux feux de forêt on demande à ce que ces activités en forêt soient interdites.” D’autant que selon lui, “c’est parce qu’on a cette économie forestière que le territoire est entretenu et donc protégé.”
Des incendies liés « à la bêtise »
Étonnamment, dans la zone, les tirs de munitions peuvent être à l’origine des feux. Le commandant Matthieu Jomain, responsable de la communication du SDIS 33 et sapeur pompier raconte. “On intervient souvent sur des départs de feux près de structures militaires (notamment Captieux et Saint Médard en Jalles) où les activités de tirs de munitions causent les départs de feux lors d’entrainements.”
À ces conditions spécifiques, il faut ajouter les traditionnelles causes d’incendies : “mégots jetés, barbecues, feux en soirée.” Pour le commandant Matthieu Jomain, le facteur humain est à “l’origine de 70% des incendies, et parmi cette cause humaine 70% des incendies sont liés à de la négligence pour ne pas dire de la bêtise« .
Une fois le feu maîtrisé, la surveillance de la zone reste primordiale. “Il faut s’assurer que les flammes ne repartent pas car ce sont des milieux souvent tourbeux, le feu a tendance à s’enterrer et peut repartir jusqu’à un mois après, soit temps qu’il n’y a pas eu au minimum 20 mm de pluie. Il faut y faire très attention” prévient le directeur de la DFCI.
Le paradoxe girondin
Pourtant, malgré ce nombre important de feux, les surfaces détruites restent relativement limitées. En 2020, les 448 départs de feu recensés en Gironde ont détruit 1200 hectares de forêt. À titre de comparaison, dans les Bouches-du-Rhône, sur la même période, 1479 hectares ont brûlé pour quasiment deux fois moins de feux (246).
Pour le commandant Matthieu Jomain, si les dégâts restent mesurés, c’est avant tout grâce à un “maillage de près de 70 casernes de pompiers réparties sur l’ensemble du département de la Gironde métropolitaine.” Des casernes constituées principalement d’effectifs professionnels, plus rapides à agir. “Le délai d’engagement d’un sapeur-pompier professionnel est d’en moyenne trois minutes contre douze minutes pour un pompier volontaire.” Un temps précieux qui joue amplement sur la quantité d’hectares préservés. La Gironde dispose également de vingt-deux tours de guet de quarante mètres de haut desquels les sapeurs-pompiers surveillent quotidiennement les espaces boisés, permettant de déceler rapidement les départs de feu. Le week-end dernier, lors de l’incendie d’Avensan, elles avaient été activées pour détecter les sinistres.
“La forêt du sud-ouest est domestiquée et entretenue”, appuie le commandant Matthieu Jomain. Elle possède des points d’eau naturels et artificiels ainsi qu’un réseau d’accès qui permet des interventions quasi-immédiates des soldats du feu. Les habitations y étant peu nombreuses, les pompiers peuvent rapidement se concentrer sur l’extinction en elle-même plutôt que sur la protection des habitants comme cela est le cas dans le Sud-Est où les mitages sont nombreux.
Pour les deux hommes, c’est la complémentarité entre la lutte et la prévention qui fait la force du dispositif. En Gironde, 18 000 kilomètres de pistes sont entretenues par les DFCI et 42 000 sur toute la Nouvelle Aquitaine. 1,2 millions d’euros par an sont ainsi investis pour faire appel à des entreprises locales qui remettent en état les pistes, refont les fossés et les points d’eau. Particularité du département : les sylviculteurs “s’auto taxent”, détaille Pierre Macé, “ils payent une taxe de 2,50 euros par hectare et par an pour contribuer à cet aménagement du territoire.”
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