En dépit de contextes sanitaires et économiques difficiles, une nouvelle librairie indépendante, et de proximité, a ouvert ses portes à Mérignac il y a trois mois. Depuis, les clients sont conquis et nombreux au rendez-vous.
Mérignac, mercredi, 11 heures. Frédéric vient de sortir de la médiathèque mais voilà qu’il pénètre déjà dans le commerce lumineux qui lui fait face, en plein cœur du centre-ville. La librairie indépendante, Le Pavé dans la marge, a ouvert il y a tout juste trois mois mais, déjà, s’impose comme un incontournable du quartier. “Je sors de la médiathèque, je suis un grand lecteur. Ici, on a envie de toucher les livres, je les prendrais tous si seulement c’était possible. Avoir une librairie indépendante, c’est bien pour une ville comme Mérignac…”, glisse-t-il.
Julie Sigougneau travaille dans le livre depuis 15 ans mais en janvier, elle a décidé de franchir le pas, en lançant son propre projet, une librairie indépendante, de proximité et accessible à tous. Des semaines d’études de marché et de travaux plus tard, et après avoir laissé passé le mois de décembre houleux pour les librairies après des semaines de fermeture, le commerce ouvre ses portes sur la place principale. “Mérignac était une des rares villes de 70.000 habitants à ne pas avoir de librairie indépendante en centre ville. Il y a eu un vrai rendez-vous entre le timing d’un centre-ville en fin de réhabilitation et un moment de ma vie professionnelle où j’ai eu le besoin de changer” déclare-t-elle. Résultat, Le Pavé dans la marge se pose comme véritable rendez-vous au cœur de Mérignac.
Relationnel, proximité et disponibilité
Très vite, les premiers clients sont au rendez-vous. 70% d’entre eux habitent le quartier. Il faut dire qu’avec ses immenses baies vitrées, difficile de passer sur cette place ensoleillée sans jeter un coup d’œil vers les vitrines et les livres mis en avant. Au détour des rayons de roman et de polar, François-Marie, qui vient pour la deuxième fois, nous explique. “Ce qui est appréciable c’est que je n’habite pas loin du tout, je viens en vélo. Le but, c’est de privilégier le relationnel et pas le mode usine. Mais l’inconvénient, forcément, c’est qu’il y a moins de choix que dans les centres commerciaux des alentours. Alors même si avant on s’organisait autrement, avoir cette librairie indépendante c’est appréciable”.
L’idée de départ de Julie Sigougneau est simple et repose sur des concepts précis. Relationnel, proximité et disponibilité. “Avec le covid, la librairie a vu revenir certains lecteurs. Quand on a qu’une heure pour se déplacer, on va autour de chez soi. Les gens trouvent du plaisir dans ces moments de proximité. On souhaite être à l’écoute des clients”. Frédéric, client depuis l’ouverture, semble conquis. “Ici, cette proximité permet un échange plus humain, autour des coups de cœur de la libraire, par exemple…”
Un rempart contre l’absence de culture
Forcément, à première vue, le contexte du moment n’est pas forcément propice au lancement d’une librairie. Et, pourtant, sa propriétaire se réjouit d’un tel départ. “La demande est revenue à la faveur des circonstances rencontrées. On a essayé de retrouver près de chez soi ces petits moments de plaisir.” Et quand on lui demande si ça va durer, les souhaits sont à la hauteur de l’exceptionnelle situation. “J’espère que ça va se prolonger ! Si les livres ne changent pas, la question est de savoir si on est capables de créer une relation, d’être à l’écoute des clients. Ça c’est un challenge”.
Parce que la réalité économique subsiste. Les obligations des prêts et des cautions apportées ne disparaissent pas, malgré ces premiers mois prometteurs. “En tant que libraire, on reste des chefs d’entreprises, avec nos apports, nos risques. On ne gagne pas forcément bien notre vie mais des mois de janvier et février comme ceux qu’on a vécu sont historiques pour la culture. On le sait que la culture est plus vaste que nous, c’est l’humilité qui rend les choses abordables”.
Au cœur des synergies culturelles
Avec un secteur de la culture atrophié depuis plus d’un an, Le Pavé dans la marge se veut aussi comme un rempart, une sorte de pont entre les professionnels du secteur et les particuliers en manque de programmation culturelle. Julie Sigougneau détaille. “On est là pour fonctionner tous ensemble. Le cinéma et les séries télévisées nous amènent des lecteurs, comme on peut irradier sur le cinéma… c’est un flux qu’il faut continuer à alimenter. On se pose comme un des maillons d’une grande chaîne culturelle”. Et quand on lui parle de la localisation de son commerce, face à la médiathèque et à deux pas du cinéma, elle évoque les synergies. “La librairie est complémentaire du reste. Quand il n’y a pas ce qu’on cherche à la médiathèque, ou quand les gens veulent faire des cadeaux, on est là”.
Pour Frédéric, qui garde un œil curieux sur les livres qui l’entourent, cette position est louable. “On a des gens qui prennent un risque, c’est leur travail et ils vont tout faire pour le défendre.” Et avec 3.000 cartes de fidélité éditées en trois mois, ce dernier n’est d’ailleurs pas le seul à avoir – déjà – été séduit par l’aventure.
Crédit: Fanny Narvarte