À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, lundi 8 mars 2021, les sages-femmes demandent plus de moyens et de reconnaissance. Surtout, iels réclament la reconnaissance d’un statut médical, à l’égal des médecins. Reportage à Bordeaux pour comprendre une profession invisible, entièrement vouée aux femmes.
« C’est une profession invisible. » Marie-Claire Trevisiol, sage-femme libérale à Talence, syndiquée à l’UNSSF (Union Nationale et Syndicale des Sages-Femmes), ne mâche pas ses mots pour décrire son métier. « La plupart des gens pensent que je suis une infirmière spécialisée. Ils n’ont pas conscience que ce sont des études différentes et qu’une sage-femme n’est pas interchangeable avec une infirmière. » Ce manque de visibilité est le point de départ d’une déconsidération générale qui a amené des praticien.ne.s à manifester le 8 mars dernier.
Les sages-femmes, aussi appelées maïeuticien.ne.s, sont souvent limité.e.s à un lieu et à une mission : l’hôpital et l’accouchement. Bien qu’iels y travaillent majoritairement, iels peuvent aussi être libérales. « Quand j’explique que je ne travaille pas à l’hôpital, les gens me regardent avec des grands yeux » raconte Marie-Claire Trevisiol. « C’est la même réaction quand j’énonce toutes mes qualifications. » Prévention gynécologique, prescription et pratique d’IVG médicamenteuses, vaccinations… De nouvelles compétences données aux sages-femmes au fil des années. « On s’est tourné vers les maïeuticien.ne.s pour réaliser un certain nombre de tâches jusque-là exercées uniquement par les gynécologues. Le problème c’est que ça ne s’est pas accompagné d’une campagne d’information » analyse Béatrice Jacques, maître de conférences en sociologie à l’Université de Bordeaux.
Médecins vs. sages-femmes
Quelques flyers distribués mais pas de réelle campagne de communication. Pour quelles raisons ces avancées n’ont-elles pas été médiatisées ? La sociologue évoque le mauvais accueil réservé à la montée en puissance des sages-femmes par certains gynécologues libéraux. Ces dernier.e.s ont été guidé.e.s par la peur de perdre leur travail. Béatrice Jacques continue : « D’après certains médecins, il y avait un défaut de formation des maïeuticien.ne.s pouvant entraîner de mauvais diagnostics. Ce n’est évidemment pas le cas. » La sage-femme libérale confirme en se rappelant les accusations de « médecine low-cost » qu’elle a reçue. Ces attaques relèvent d’une forme de « guerre entre médecins et sages-femmes » affirme la professionnelle. Un phénomène loin d’être nouveau.
Ce conflit commence au milieu du XXe siècle, lorsque les accouchements commencent à se réaliser à l’hôpital. Les sages-femmes se retrouvent alors sous l’autorité du médecin. Une « mise sous tutelle » depuis contestée. Leur statut n’est pas le même que celui d’un gynécologue obstétricien et c’est l’une des revendications principales des manifestant.e.s. « On revendique un statut médical à la hauteur de notre métier afin de sortir de cette case paramédicale » insiste la sage-femme libérale. Une partie de la profession avait déjà manifesté pendant plusieurs mois en 2013 et 2014 pour la même raison. À l’époque, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, leur avait accordé un statut spécifique mais pas l’obtention de celui de praticien hospitalier.
La majorité des maïeuticien.ne.s étant des femmes, la question du genre se pose également. Marie-Claire Trevisiol évoque la tribune dans Libération de l’historien Gérard da Silva, sur le plafond de verre qui existe dans l’enseignement de la maïeutique à l’université, et constate : « Les femmes ne passent pas le cap. On peut nous accuser de faire une fixation sur les inégalités hommes/femmes mais c’est une réalité. »