Non , l’Esport n’est pas le grand gagnant de la crise sanitaire !

photo: Florian Olivio

Le sport électronique voit, avec la crise sanitaire, son expansion stoppée pour la première fois depuis 2008. Annulation d’événements en masse, perte des sponsors et isolement des joueurs ont plongé le secteur de l’Esport dans la souffrance. La Nouvelle Aquitaine, qui compte près de 110 000 compétiteurs de jeux en ligne, ne déroge pas à la règle.

Le discours médiatique laisse penser que l’Esport serait le grand gagnant de la crise sanitaire mais c’est faux”. Pour Nicolas Besombes, enseignant chercheur à l’Institut du Sport-Santé de Paris et Vice-président de la Fédération France Esport, il existe un paradoxe. Le confinement a entraîné une augmentation du nombre de joueurs amateurs et les éditeurs de jeux vidéo ont fait beaucoup de profits mais pour les entreprises promotrices de l’Esport, cela a été une “catastrophe”. Les acteurs de l’événementiel ont souffert, de même que les salles de sport et de jeu. Nombreuses sont celles qui ont mis la clé sous la porte à cause de la crise sanitaire. Si l’Esport peut réorienter certains de ses événements plus facilement que les autres disciplines sportives, ce n’est pas pour autant que le secteur s’en sort “bien”.

Gaël Renu, PDG de Pandaria, une association Esportive a perdu son statut d’entreprise suite à la crise sanitaire. Les sponsors, subissant de plein fouet la crise économique, se sont pour beaucoup retirés. 95% des revenus des associations Esportives proviennent des sponsors.
 


L’événementiel constitue un pan majeur de l’économie de l’Esport. Les grands événements : “LAN* ” où les joueurs se rencontrent pour s’affronter entre équipes ont tous été annulés à échelle locale. Les billetteries sont à l’arrêt, les salles fermées et les spectateurs moins enjoués.

En mal de rencontres physiques 

Cérémonie d’ouverture de la grande finale des championnats du monde de League of Legend 2017.

Le passage au 100% digital, s’il reste intéressant, séduit moins que les rencontres physiques. C’est ce qu’a constaté le Bordeaux Geek Festival qui a été contraint de digitaliser intégralement son édition 2020. Pour Derly, joueur semi-professionnel de Counterstrike* en double cursus Digital et Esport à l’Éducation Gaming School de Mérignac,  “en présentiel, les matchs ont plus d’importance, c’est plus intense, il y a plus de saveur.” 

Nicolas Besombes insiste : “Toute l’histoire de l’Esport a trait aux événements physiques. Passer en ligne est un retour en arrière”. Depuis 10 ans, le marché de l’Esport est en expansion. Cette année, c’est la première stagnation voire régression depuis la crise des subprimes en 2008.

Les annulations répétitives des compétitions ont créé un goulot d’étranglement. Les événements qui ont pu être maintenus en ligne se sont déroulés de manière rapprochée et ont entraîné un surmenage chez les joueurs. Pour Derly, suivre les cours à distance lors du premier confinement était compliqué: “J’ai décroché. Le fait de ne pas sortir et d’être seul, mentalement, c’était difficile”. L’impossibilité de s’entraîner avec ses coéquipiers lui pèse. “Ce jeu est basé sur la stratégie. La communication est donc essentielle car il faut avoir la même philosophie de jeu. En présentiel c’est plus facile de se comprendre et les bootcamp (sessions d’entraînement en équipe) permettent de créer des liens et une certaine synergie”. S’il s’estime chanceux de continuer malgré tout à jouer à distance, “cette situation attaque le mental et ça se ressent sur le jeu.

L’esport oublié

La plupart de ces joueurs semi-professionnels ont des statuts précaires et n’ont bénéficié d’aucune aide de l’Etat, l’Esport n’étant pas reconnu comme un sport officiel en France. 

Pour Gaël Renu, le constat est amer: “je suis tout simplement écoeuré. Pendant trois ans j’ai investi presque toutes mes économies dans cette entreprise et la crise sanitaire a tout fait sauté. On est laissés pour compte sans aucune aide économique de l’Etat.” Face à cette situation, il a dû multiplier les emplois pour s’en sortir et se trouve contraint de s’autofinancer. Il a même envisagé de tout arrêter: “C’est difficile de se projeter, même sur deux semaines.  On n’a pas de visibilité sur le futur”.

Nicolas Besombes résume : “De manière schématique, les structures principales ayant des finances saines ont pu faire le dos rond et continuer à avoir de l’activité. Cela a été plus difficile pour les PME et TPE, voire catastrophique pour les entrepreneurs et indépendants”.

Pour autant, Derly, lui, reste motivé et garde comme objectif de devenir un grand joueur professionnel de Counterstrike, peut-être le prochain champion de sa génération.

Valentine Meyer et Susie Muselet

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