Nichée dans le quartier de Saint-Michel, l’association L’abeille bordelaise propose aux habitants d’acheter directement aux producteurs aquitains. Une démarche qui répond à la demande des consommateurs.
18h. Les abeilles s’agglutinent au numéro 6 de la place du Maucaillou, occupé chaque mardi soir par des producteurs locaux. Entre les quatre murs jaune, rouge et vert du petit restaurant bio La soupe au caillou, prêté pour l’occasion, des cagettes de fruits et légumes sont disposées au sol et sur les tables. Chacune porte un numéro, associé à une abeille. “On appelle comme ça les consommateurs!” explique Orlane, la créatrice et responsable de l’association, rattachée au réseau La Ruche qui dit Oui! (LRQDO). Dans sa colonie, quartier Saint-Michel, convivialité et tutoiement sont de mise. “Les clients sont des réguliers, l’ambiance est familiale. On voit les enfants grandir” plaisante-elle.
Un mode de consommation accessible
Parmi les denrées proposées par l’établissement, il y a évidemment des légumes et des fruits, mais aussi de la viande, des gnocchis, du quinoa ou encore des galettes des rois. “Chacun fait son panier comme il le souhaite sur le site internet de la Ruche qui dit oui!. Il a une semaine pour choisir. C’est sans minimum d’achat, sans engagement. Certains viennent juste pour des des oeufs” assure Orlane. Montre en main, les clients passent entre 3 et 10 minutes dans la ruche, selon leur disponibilité. Et chacun repart avec un petit morceau de pain proposé par la reine des abeilles: “c’est notre nouvelle boulangère, c’est bio. Vous la connaissez surement, c’est Amandine!”
Une engouement pour le local
Avant d’ouvrir à Saint Michel, Orlane était déjà responsable d’une ruche à Nansouty. “J’ai vu qu’il y avait une réelle demande dans ce quartier. Ce soir, on attend une quarantaine de clients, et on a des nouvelles personnes tout le temps.” Le nombre des ruches a d’ailleurs explosé ces dernières années dans la métropole. On en dénombre 15 au total aujourd’hui. Un étalement qui permet aux établissements de toucher de nouveaux consommateurs. Parmi eux, Cécile, jeune employée dans l’énergie renouvelable est convaincue. “ Je connaissais la ruche, parce que j’y allais dans une autre ville. Là je me suis rendue compte que c’était tout près de chez moi.” raconte-t-elle. L’abeille consomme aussi grâce aux Association pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP) et ne se rend plus du tout au supermarché, “par conviction écologique”. En ce qui concerne une possible différence de prix, “Je n’ai pas fait gaffe à ça. En tout cas, c’est meilleur.” affirme-t-elle.
Cliquez sur les abeilles pour connaître les ruches près de chez vous.
Une aubaine pour les producteurs
Cet engouement est partagé par les producteurs comme Olivier, maraicher basé à Monpezat d’Agenais qui travaille avec la ruche de Saint-Michel. « Ça permet aux petits producteurs d’avoir d’autres débouchés pour vendre leurs produits et ainsi éviter le gaspillage ». Plus qu’un nouveau point de vente, passer par le réseau LRQDO, permet aux producteurs locaux de valoriser leurs produits puisque 80 % du prix de vente revient aux producteurs. Le reste est réparti entre service central et la responsable de ruche, qui peut choisir de le réinjecter pour aider les exploitants. Si Olivier reconnaît que la vente en circuit court lui assure une marge sur ses produits, il reste nuancé sur sa rentabilité. « Le grossiste achète moins cher au kilo que la ruche, mais d’un autre côté, la vente directe au consommateur nous demande plus de travail, notamment l’emballage et la pesée de la marchandise. En revanche, c’est beaucoup plus enrichissant, on rencontre des gens, on prend soin des produits, ça me plait ! ».
Les limites du circuit court
Si les abeilles qui butinent à Saint Michel y trouvent leur bonheur, le concept a aussi ses limites, notamment en termes d’expansion. Si les alternatives du circuit court rencontrent de plus en plus de succès, seul 6% des dépenses alimentaires des ménages sont effectués en vente directe contre 71% dans la grande distribution (chiffres de La Nouvelle Aquitaine). Le secteur reste donc marginal. S’ajoute à cela les contraintes innées au circuit court, en particulier la consommation forcée des fruits et légumes de saison et la difficulté pour la colonie de s’approvisionner en produits plus exotiques. Pour satisfaire cette demande Orlane nous confie qu’elle fait venir certains produits d’Espagne, comme les avocats, « On a une famille qui les cultive près de Valence, le mari les remonte une fois par mois sur Bordeaux ». Un trajet qui met à mal le kilométrage moyen parcouru par l’ensemble des denrées. Affiché sur le site lors de la commande, il est en général autour des 55km et ne doit pas dépasser les 200 km, selon LRQDO.
Pour autant certains produits ne respectent pas ce cahier des charges, comme le café péruvien, une initiative d’Orlane. « A défaut d’être local, il est issu du commerce équitable. Les gens continueront à boire du café, donc c’est toujours mieux que s’ils s’en procurent au supermarché. » assume-t-elle.