Une Assemblée Générale contre la précarité étudiante s’est tenue mercredi 27 novembre à 12h30, au campus de la Victoire de l’Université de Bordeaux. Lancé notamment par le syndicat FSE afin de voter de nouvelles actions, l’appel a réuni une centaine d’étudiants dans l’amphithéâtre Pitres. Celui-ci est désormais occupé jusqu’à nouvel ordre, conformément au vote de l’AG.
Sous les boiseries anciennes, un étudiant installé sur l’estrade lance la discussion. A l’approche de la grève du 5 décembre, il s’agit de se préparer pour une « grosse bataille ». L’objectif de cette AG est de « faire un retour critique sur les actions déjà menées », mais surtout d’en voter de nouvelles. Il liste les universités mobilisées dans le reste du pays, et appelle à « créer des liens avec les autres secteurs ».
« Rompre le quotidien » pour massifier le mouvement
Pas étudiante, mais militante, Camille est la première à prendre la parole. Elle remarque amèrement que les étudiants sont moins nombreux qu’à l’assemblée précédente. « Vous devez parler à votre entourage, engager un maximum de discussions, vous organiser pour écrire des tracts et les diffuser dans toutes les universités », martèle-t-elle aux étudiants. A ses côtés, Pauline abonde dans son sens : « Il faut qu’on montre notre présence. »
Perché en haut de l’amphithéâtre, Théo regrette qu’à Bordeaux 2 (ancien nom du campus de la Victoire, ndlr), la mobilisation ne soit pas assez visible. Il invite ses camarades à « rompre le quotidien », en s’inspirant des actions des étudiants de Bordeaux Montaigne. « A Bordeaux 3, ils ont réussi à occuper le plus grand amphi, à bloquer la fac et à faire un RU gratuit ! Il n’y a aucune raison que Bordeaux 2 n’y arrive pas ! ».
Rattraper le retard, rejoindre les autres luttes
Un autre étudiant diagnostique le « retard hallucinant du mouvement étudiant » sur les autres luttes, notamment vis-à-vis des « travailleurs et des gilets jaunes ». Il se désole que les étudiants ne remplissent plus leur rôle historique de « moteur » dans les mouvements sociaux. Les interventions qui évoquent la perspective d’une « AG inter-professionelle » sont les plus acclamées. Plusieurs personnes évoquent « Hong Kong, le Chili, le Liban », avec la volonté d’inscrire la contestation étudiante dans « un mouvement de révolte bien plus vaste ».
Pour autant, les revendications restent floues. Selon Pauline, doctorante en histoire, « le mot « précarité », ça veut tout et rien dire ! ». Mais lorsqu’elle évoque la possibilité d’un « salaire étudiant », sa voix est couverte par des cris de désapprobation. Pour l’heure, il semble que la priorité soit à l’organisation et à la massification, plutôt qu’à un débat sur des propositions concrètes. Ce parti pris transparaît dans les décisions validées par l’AG.
Un vote musclé avant l’occupation
Le vote à mains levées s’engage. L’organisation d’une AG interprofessionnelle au campus de la Victoire est validée, ainsi qu’un blocage reconductible du campus à partir du 4 décembre, dans l’objectif de constituer un cortège étudiant pour la manifestation du lendemain. Enfin, une majorité de mains vote pour l’occupation de l’amphithéâtre dès la fin de l’AG.
Alors même qu’un étudiant inscrit à la craie cette dernière décision sur le tableau, l’enseignant supposé y faire son cours entre dans la salle. Il demande à l’assemblée d’évacuer les lieux pour que ses élèves puissent s’installer. Le ton monte brusquement. Le professeur invoque « la liberté de parole, la liberté d’étudier et la démocratie », mais sa remarque déclenche encore plus de véhémence. Une femme qui se définit comme « gilet jaune » l’interpelle avec virulence : « Vous parlez de liberté, mais vous voulez les faire taire ! ». Elle poursuit, s’adressant aux étudiants : « Ne lâchez jamais ceux qui essayent de vous faire taire, moi je suis avec vous ! ». Son intervention reçoit une ovation spectaculaire. Après cela, l’ambiance bascule. En une seconde, le professeur excédé en vient aux mains avec un étudiant. Les deux hommes se poussent avant d’être séparés par la sécurité. Le professeur quitte la salle, l’occupation commence.
L’éternel chant des gilets jaunes « On est là ! » retentit un instant. Puis, après un moment de flottement, un petit groupe décide de passer dans les salles de classe pour informer les autres étudiants des décisions de l’AG. Un autre se charge d’aller chercher des provisions pour la soirée. La majorité reste assise, sur les bancs, sur les tables ou sur la moquette bleue, en attendant la suite.