Castillon-la-Bataille s’organise seule pour combattre un chômage plus de deux fois supérieur à la moyenne nationale. La ville garde espoir et attend un possible programme de subvention «Territoire zéro chômeur longue durée», qui a fait ses preuves dans l’hexagone.
« On n’entre pas dans les cases », constate Jacques Breillat, maire LR de Castillon-la-Bataille. Politique de la ville, Zone de revitalisation rurale, Coeur de ville… La commune girondine de 3 500 âmes a candidaté à de nombreuses aides de l’Etat, mais n’est éligible à aucune. Pourtant la pauvreté est bien là : « 25 % des habitants sont allocataires du RSA (Revenu de solidarité active), 27 % des actifs sont sans emploi, un chiffre qui monte à 40 % pour les 18 – 25 ans… » La ville historique, témoin de la dernière bataille de la Guerre de 100 ans, mène désormais un autre type de combat : celui contre le chômage.
Le projet « Territoire zéro chômeur de longue durée », si Castillon n’a pas réussi à l’intégrer, reste dans la ligne de mire de la mairie qui travaille depuis 2 ans à remplir le cahier des charges pour être bénéficiaire du plan d’aide. Au cas où celui-ci soit étendu à 50 autres communes, comme prévu initialement. « Comment est-il possible de ne pas pouvoir débloquer des fonds pour un procédé qui fait l’unanimité sur les bancs de l’Assemblée Nationale, à droite comme à gauche ? », s’interroge l’élu. Car le plan « Territoire Zéro Chômeur » semble fonctionner.
Du bénévolat en attendant le salariat
« Sur les dix communes financées, toutes ramènent des résultats positifs. Et deux d’entres elles ont déjà atteints leurs objectifs au bout de 3 ans seulement », rapporte Audrey Vendrame, chargée de mission Développement Territorial à Castillon depuis septembre 2017. Le principe de « Territoire Zéro Chômeur» est le suivant. « Il fonctionne sur la base du volontariat et prévoit 18 000 euros d’aides par an, pour chaque chômeur embauché au sein d’une EBE (entreprise à but d’emploi), qui comble les besoins non-satisfaits au sein de la commune.»
Autrement dit, des activités qui peuvent aller de l’aide à la personne, au recyclage ou à la rénovation de bâtiments. Ces besoins non-satisfaits, à Castillon-la-Bataille, ce sont les chômeurs qui les répertorient, bénévolement, dans un cadre associatif, « faute de pouvoir les embaucher réellement dans une entreprise pour l’instant. On leur demande de trouver des possibles fonctions, emplois, tâches qui serviraient la communauté castillonaise, commente la chargée de mission. On travaille actuellement avec 8 personnes, un chiffre qui est amené à augmenter ». Ce qui permet aux personnes sans emploi de s’investir dans la vie de la communauté et de se sentir utile.
« L’Etat compte en mois, le chômeur en jour »
« Le pire quand on est chômeur longue durée c’est le sentiment d’être périmé», raconte Gilles Tellechea. Au chômage après 25 ans passés dans la manutention, il s’est investi dès les premiers jours dans le projet. « Le programme m’a apporté de l’espoir. L’espoir de me dire qu’il y a une petite fenêtre ouverte pour qu’on donne un sens à notre vie par le biais de notre travail. » Parmi les activités proposées, en plus de lister les emplois utiles, une journée spéciale appelée « Grève du chômage » s’est déroulée le 26 octobre. Les chômeurs ont voulu démontré les bénéfices que peut tirer Castillon d’emplois au service de la communauté. « On a restauré la tombe d’un poilu, créé un jardin partagé avec des jardinières pour personnes handicapées et collecté des jouets qu’on a suivi envoyés au Mali et dans d’autres pays, explique la quadragénaire.»
A côté, Gilles Tellechea pense aussi à moderniser sa ville et la rendre plus écologique par différents projets : comme une voiture qui roule à l’énergie solaire pour faire visiter la campagne aux touristes, ou un jardin partagé pour approvisionner les cantines de l’école ou de l’Ehpad. « Il faut aussi que les jeunes viennent pour réinventer nos campagnes grâce à la technologie. Tout seul, on ne peut pas tout reconstruire.»
Lors du Grand Débat, le maire Jacques Breillat a interpellé sur le sujet Emmanuel Macron, qui a évoqué la possibilité d’accélérer l’appel d’offres du « Territoire zéro chômeurs» prévu normalement en 2020. « Trouver des solutions globales ça prend du temps. Je ne juge pas je constate les faits, mais un chômeur vit au jour le jour. Il se dit demain qu’est-ce que je vais faire? Est-ce que le gars de l’électricité ne va pas venir pour couper ? L’Etat compte en mois, le chômeur en jour. » Finalement, Gilles Tellechea a retrouvé un emploi au service propreté de la ville. Mais il continue a s’investir pour aider les chômeurs de longue durée intégré au programme de la mairie : « C’est comme une phalange pour moi, confie-t-il.» En soutien à ses collègues, qui continuent à s’investir bénévolement dans la mise en place du projet « Territoire zéro chômeur», en attendant l’Etat.
Jean-Baptiste Arcuset