Le viol d’une jeune femme survenu fin novembre sur le campus universitaire de Pessac a ravivé les craintes des étudiantes bordelaises. L’incident, dernier d’une longue série, a contraint nombre d’entre elles à redoubler de précautions. Quitte à bouleverser leurs habitudes.
La tension est montée d’un cran avec la diffusion le 7 décembre dernier, de ce mail, signé Manuel Tunon de Lara, président de l’Université de Bordeaux :
« Il y a une semaine et demie, les abords de la station de tram Doyen Brus à Pessac ont été le cadre d’un viol un soir de semaine après minuit. L’enquête de police est en cours et j’ai demandé l’augmentation des rondes nocturnes effectuées sur ce secteur. »
Les faits se sont déroulés la semaine du 26 novembre, à proximité de l’arrêt de tram Doyen Brus. Le secteur, désert le soir, n’est pas éclairé. En 2007 déjà, trois étudiantes avaient été violées aux abords de la station. L’auteur des faits avait été interpellé et condamné à vingt ans de réclusion.
Renforcement du dispositif policier
La réunion d’information organisée ce mercredi par l’Université Montaigne s’est déroulée dans un climat de peur et d’indignation. Les appels à la vigilance relayés par l’administration ont été particulièrement mal reçus ; pour beaucoup d’étudiantes, ces conseils les infantilisent. Pire encore, ils contribuent à culpabiliser les victimes.
Des mesures concrètes ont été annoncées par Hélène Velasco-Graciet, présidente de l’université de Bordeaux-Montaigne : renforcement du dispositif policier, meilleur entretien des espaces boisés, création de cafés-échanges sur le thème du harcèlement. Insuffisant pour Kenza, étudiante en LEA Anglais-Espagnol : « Il y a des incidents tous les jours, tant que rien ne sera fait je ne me sentirai pas en sécurité. »
Célia est étudiante en master de littérature anglaise et réside sur le campus. Le climat actuel l’a poussé à bousculer ses habitudes : « Je n’accepte plus de baby-sitting le soir, et je prends de temps en temps un Uber pour rentrer. Je préfère désormais attendre le bus de nuit, qui me rapproche de ma résidence, plutôt que de prendre le tram, pourtant plus rapide. » Sa hantise ? Le parking de l’université : « Il est très grand, mal éclairé. Certains soirs, il y a des gens dans les voitures. Ils attendent qu’il n’y ait personne et vous font des appels de phare, vous interpellent. » Ces mesures de précaution, Célia ne les a prises que très récemment: « Lorsque je suis arrivée en première année, je faisais du baby-sitting, je sortais le soir, je rentrais seule, à 2 ou 3 heures du matin, avec mes écouteurs dans les oreilles. Maintenant je ne me le permets plus. »
« Je ne me sens plus en sécurité »
Le constat est partagé par Floriane, étudiante en licence d’histoire : « J’habite sur le campus, au niveau de Doyen Brus justement, et je ne me sens plus en sécurité. Sans faire de psychose, on peut sentir cette tension partout sur le campus. » Un climat d’insécurité qui nuit à ses études : « On a cours de 18h à 20h le lundi, et je n’y vais plus, sauf en cas d’examen. » Elle a aussi été contrainte de restreindre ses déplacements : « Les arrêts de tram sont peu ou pas éclairés, c’est vraiment effrayant. Avant je n’avais pas peur. »
Interrogée à la sortie de la réunion, Sophia, étudiante en LEA, se confie : « Clairement, j’ai changé mes habitudes. Avant, je restais à la fac jusqu’à 20 heures, maintenant je rentre avant la nuit. J’essaye de toujours être accompagnée lors de mes déplacements, ou de me faire déposer. » Si la prudence a toujours été de mise pour la jeune femme, les événements récents ont exacerbé ses inquiétudes. Une autre étudiante, échaudée par les questions des journalistes, s’emporte : «Bien sûr que non, je n’ai pas changé mes habitudes ! Moi aussi j’habite en face de Doyen Brus mais qu’est-ce que vous voulez que je fasse ? »
Par Guillaume Ptak