Une petite délégation de gilets jaunes, les « Médic jaunes 33 », surveillaient les lycéens et lycéennes pendant la manifestation de ce matin. Ils étaient là avant tout pour éviter les débordements et prodiguer les premiers soins si besoin.
Il est 9h. Après avoir traversé le Pont de pierre et la rue Sainte Catherine, environ 300 lycéens sont rassemblés devant l’Opéra de Bordeaux. Aux sweats à capuches, pulls bariolés et au sac à dos licorne des jeunes se mêle une dizaine de gilets jaunes. Leur coordinatrice Lilly, une jeune femme énergique d’une trentaine d’années, est très occupée. Elle doit gérer sa petite équipe mais aussi la réputation des gilets jaunes. Un lycéen vient de dire au micro : « On n’est pas les gilets jaunes, on est une manifestation pacifique ». Elle lui explique, un peu irritée, qu’ils sont là pour les protéger. Plus loin, un membre de son groupe prévient les manifestants : « Vous n’êtes pas équipés pour votre propre sécurité ». Eux ont des masques à gaz, des lunettes de piscine, du sérum physiologique et autre matériel de premier secours.
Le petit groupe qui suit le cortège des lycéens est particulièrement éclectique. Parmi eux, une auxiliaire de vie, un peintre en bâtiment, un ambulancier, des retraités… Et ils ne sont pas tous d’accord sur la façon de se définir. La plupart se disent gilets jaunes alors que d’autres mettent en avant leur mission du jour : ils sont « secouristes ». Il ont répondu à un appel sur le groupe Facebook « Médic jaune 33 », créé dimanche.
Ce qui a poussé Estelle, 30 ans, auxiliaire de vie et gilet jaune, à venir aujourd’hui, ce sont les vidéos des manifestations précédentes. Elle y a vu des lycéens victimes de tirs de flash ball et de gaz lacrymogène. Pour elle, c’est inadmissible. « De quel droit attaque-t-on des enfants sans sommation ? On interdit la fessée d’un côté et de l’autre, on leur met des flash-ball dans la tête ».
Les médics jaunes sont organisés par binômes. Ils discutent beaucoup avec les lycéens qui ne semblent pas mécontents de leur présence. « Je trouve ça bien qu’ils soient là. C’est des adultes, ça nous rassure » confie une étudiante en classe de seconde. « On manifeste mais on est des enfants. Si la situation dégénère, ils pourront nous aider ». Elle pense que leurs revendications pourront se rejoindre : « Aujourd’hui, on proteste contre Parcours Sup et la sélection à l’université. C’est notre combat, pas celui des gilets jaunes. Mais quand on sera grands, on devra aussi payer des taxes ».
« On est là pour faire tampon entre la police et les petits »
« Ça chauffe à Stalingrad » prévient une lycéenne. Après une rapide concertation, le groupe décide de rallier la rive droite. Sur place, de nouveaux gilets jaunes les rejoignent, ils sont maintenant une vingtaine. Alors que certains jeunes ont mis feu à un vélo et à une poubelle sur les rames du tram A, d’autres protestent « A bas les casseurs ! ». Le tons monte entre les deux groupes. Alors certains médics tentent de calmer le jeux en s’interposant. D’autres redirigent une voiture sur le point de s’engager sur la route barrée par les CRS. D’autres encore courent au devant d’une voiture du SAMU, qui passe sans encombre à travers la foule.
Les médics discutent avec tout le monde : lycéens, « casseurs », policiers. Ils conseillent aux lycéens de se mettre à l’abris, discutent avec les jeunes qui ont mis le feu, ceux-ci leurs promettent de « limiter la casse ». Les policiers leur demandent de disperser les manifestants, ils s’exécutent calmement. Vers 11h30, la manifestation officielle se termine sans heurts majeurs. Quelques groupes de jeunes s’enfoncent dans les petites rues adjacentes en cassant des fenêtres de voitures au passage. Plus de gilets jaunes en vu.