Le bilan est lourd pour la mobilisation du week-end dernier : 2 morts, 553 blessés dont 17 graves. Au cinquième jour de la manifestation des Gilets Jaunes, 582 personnes ont été interpellées et 450 placées en garde à vue. Ces débordements, couplés à une organisation lacunaire menacent de rendre inaudible les revendications du mouvement.
Parti des réseaux sociaux et d’une pétition en ligne, les Gilets Jaunes protestaient initialement contre la hausse du prix du carburant. Mais leur mouvement a pris depuis une autre ampleur avec de nouvelles revendications : la baisse du prix des péages, la défense du pouvoir d’achat et la revalorisation des retraites. Leur porte-parole dans le Vaucluse, Christophe Chalençon demande lui, la “dissolution de l’Assemblée Nationale”. Les mots d’ordres sont flous, les méthodes utilisées peu conventionnelles.
Une organisation chaotique
Le mouvement est protéiforme : blocages, barrages filtrants, opérations escargots et rassemblements. Autant de méthodes qui divisent l’opinion sur les réseaux sociaux comme au sein même du mouvement. Dans un entretien au Monde, Louis Morin, directeur de l’Observatoire des inégalités explique qu’il s’agit d’« une coalition spontanée et hétéroclite de mécontents issus des catégories populaires et des classes moyennes » et qu’ils « n’ont pas l’habitude de se mobiliser ». En l’absence de structure formelle, un grand nombre de rassemblements ne sont pas déclarés en préfecture. Leur caractère illégal multiplie les risques d’incidents et complique le travail des forces de l’ordre.
Des leaders autoproclamés entendent motiver les troupes. Parmi eux, Eric Drouet, chauffeur routier de 33 ans et initiateur de la manifestation de samedi à Paris. Au nombre de ses missions, servir d’intermédiaire entre les forces de l’ordre et les manifestants et assurer la représentation médiatique.
Lui n’appartient à aucun parti politique, comme la majorité des porte-paroles du mouvement. Par contre Frank Bulher, figure montante de la contestation dont les vidéos ont été visionnées plus de 200 000 fois est délégué de circonscription de Debout la France dans le Tarn et Garonne (82). Il a rejoint le parti de Nicolas Dupont-Aignant après avoir été exclu du Rassemblement National pour avoir tenu des propos racistes.
Automobilistes moqués, vilipendés
Insultes racistes, agressions homophobes, violences: de nombreux incidents ont émaillé les manifestations du week-end dernier. A l’issue de ces deux journées de mobilisation, on dénombre deux morts et plus de cinq cent blessés, dont quatre-vingt quinze policiers.
Le manque de cohérence des revendications et les débordements menacent d’aliéner l’opinion publique, jusqu’à présent acquise à la cause des Gilets Jaunes.
Plusieurs automobilistes disent avoir été victimes de menaces, voire de violences.
Samedi à Cognac, une jeune femme noire, échaudée par le blocage, a été la cible d’invectives racistes. Le même jour, un élu de Bourg-en-Bresse et son compagnon auraient été victimes d’une agression à caractère homophobe : ils assurent avoir reçu insultes et coups de la part de plusieurs gilets jaunes. Contacté par l’AFP, le maire PS de Bourg-en-Bresse a déclaré que des propos racistes auraient été tenus par des manifestants sur un autre barrage organisé dans la commune.
A Saint Quentin, dans l’Aisne, des manifestants auraient contraint une automobiliste musulmane à retirer son foulard. D’après une conductrice, témoin de la scène, certains gilets jaunes “mettaient leur foulard sur leur tête” et “faisaient des grimaces de singes devant la voiture.”
Alors que le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner dénonce une “radicalisation” du mouvement, ces multiples incidents risquent de diviser davantage l’opinion publique.
Les gilets jaunes vont-ils manifester ce samedi à Paris ?
Il faut s’attendre à une intensification du mouvement ce week-end, si l’on en croit le nombre de personnes mobilisées sur la page Facebook « Acte 2 Toute la France à Paris ». 31 000 personnes ont déclaré vouloir « participer » au mouvement et plus de 200 000 se disent « intéressées ». Reste à voir si les appels à marcher sur l’Elysée relayés sur les réseaux sociaux seront suivis d’effets.
Alexandra Lassiaille et Guillaume Ptak
@A_Lassiaille et @guillaume_ptak