La réussite des échecs

Lorsque l’ordinateur IBM a battu le champion russe Garry Kasparov en 1997, le monde des échecs pensait assister à la mort du sport. Pourtant c’est actuellement le numérique qui est en train de lui donner un second souffle. Le jeu revit chez les jeunes bordelais∙es, qui envahissent les clubs locaux pour jouer « en vrai ».

Qu’il est loin le temps de Kasparov contre Deep Blue, le supercalculateur de 700 kilos construit par IBM. L’Homme contre la machine. Désormais, les deux vivent un mariage heureux. Car le monde numérique a révolutionné les échecs. Sur ordinateur, tablette, téléphone, amateurs et professionnels jouent en ligne, gratuitement. Malgré tout, les clubs physiques se remplissent. La ligue d’Aquitaine a dépassé son record historique de septembre. 2500 adhérent∙es à travers la région, un nombre plus élevé qu’avant la pandémie, alors même que les restrictions sanitaires ont touché fortement les associations sportives. Pour son président Tristan Roselle, c’est la conséquence d’un engouement pluriel : « Ce sont des facteurs multiples. La série Netflix, The Queen’s Gambit  (Le jeu de la dame), la communauté internet et Twitch… ». Bref, la hype des échecs existe.

Une dynamique suivie par les joueuses. Selon José Chatenet, président d’honneur du club de l’ASPOM à Saint-Jean, l’impact médiatique de l’héroïne charismatique est indéniable. « Pour l’instant, il n’y a que 5 à 10% de femmes, mais on voit un intérêt montant chez des jeunes filles ».

Depuis dimanche, Jean-Renaud Lagunes a le droit de réouvrir son club l’Echiquier bordelais. Menacé par un bâtiment mitoyen en péril, la devanture iconique, à une rue de la Grosse Cloche, avait dû fermer 3 mois. « Je recevais tout le temps des coups de téléphone ! Les gens voulaient savoir quand on réouvre ». A l’intérieur, la lumière naturelle colore les nombreux échiquiers de la salle. Aujourd’hui, leçon pour Aaron et son père, qui apprennent ensemble. « On a commencé avec le confinement, mais c’est austère. On apprend tellement mieux en vrai ».  

Aaron et son père en plein cours. Crédit : Thomas Chollet-Lunot

Jean-Renaud enchaîne : « Jouer en face à face, c’est infiniment mieux. On fait de vraies rencontres. Pour apprendre ce que sont les échecs, il faut jouer en vrai. Ici, on joue tous ensemble, de 5 à 90 ans. Et lorsque le doyen affronte un enfant, les deux se tutoient. » Sur la soixantaine de membres du club, la moitié ont moins de 20 ans. Les échecs n’est donc pas un sport de vieux ? « C’est ce que je pensais quand on m’a fait découvrir les échecs à 15 ans, s’amuse Jean-Renaud. Maintenant, c’est la passion d’une vie. Je ne gagne rien avec le club. » Avant instituteur, le président retraité l’assure : « J’ai conservé mon rôle : partager et transmettre. »

De l’autre côté de la Garonne, Frédéric Calvo fait vivre l’Echiquier tressois. « Je m’occupe du club sur mon temps libre. En semaine, il faut bien que je travaille pour gagner ma vie ».

Pour lui, les échecs sont un sport humain que l’écran ne peut qu’imiter. « Jouer en vrai, toucher le bois, ça n’a rien de comparable. Partager le jeu avec ces amis, c’est le plus important. Le lien social que tisse le club est irremplaçable. Pour certains membres, on était le seul contact pendant le confinement. »

Devant l’irrésistible dynamique, le président de la Ligue d’Aquitaine espère dépasser 5000 adhérents, et battre le record à la fin de l’année. « Les échecs sont maintenant numérique et physique. Et les deux sont complémentaires. »

Le cavalier avant la bataille.

Crédit : Thomas Chollet-Lunot

Thomas Chollet-Lunot

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