La lutte contre la transphobie, de Twitter au commissariat

Dimanche 8 décembre, une femme transgenre de 25 ans a été agressée par quatre hommes au parking Jean-Jaurès. Projetée par dessus le parapet de la voie d’accès, elle a fait une chute de trois mètres. Le jour même, plusieurs associations et centres LGBTQI+ ont déclenché une chaîne d’alerte pour soutenir la victime. Parmi elles, Flag ! et Girofard collaborent à Bordeaux pour lutter contre la haine anti-LGBT. 

Quelques heures à peine après l’agression, la machine Twitter s’est emballée pour retrouver « Nana » et lui venir en aide. Tristan Poupard, directeur de Girofard, centre LGBTQI+ de Bordeaux, raconte : “ La première alerte a été donnée à Paris mais c’est surtout la collaboration avec la police nationale, avec qui nous entretenons de bons liens, qui a été efficace ”. Marie Erramouspe, la présidente de l’association, a passé l’après-midi auprès de la jeune femme, à l’hôpital Saint-André. Un accompagnement individuel, une présence physique et morale que revendique Girofard…Et ce, jusqu’au dépôt de plainte.

L’association Flag! lutte contre les LGBTphobies au sein des ministères de la Justice et de l’Intérieur. Elle joue un rôle d’accompagnement des victimes dans la chaîne pénale. Laurent Turbiez, délégué Sud-Ouest de Flag ! n’hésite pas à qualifier l’agression d’”abjecte, ignoble et dramatique. Son rôle : collaborer avec le commissaire divisionnaire Eric Krust, référent LGBTQI+ au commissariat de police de Mériadeck. Un gain de temps et une considération pas toujours évidente, ni dans la police, ni dans les associations.

À gauche, Tristan Poupard, directeur du centre LGBTQI+ Girofard. À droite, Laurent Turbiez, délégué de l’association Flag! dans le Sud-Ouest. (Crédits photos : Tristan Poupard, Flag!)

“Une véritable concertation”

Les deux hommes s’accordent sur un point : la coordination entre acteurs LGBTQI+ est essentielle même si elle se révèle parfois complexe. “Là c’est Marie qui est allée voir la victime mais tout le monde est mobilisé derrière, y compris nos adhérents. C’est une véritable concertation ! Selon Tristan Poupard, les différentes associations s’entendent bien. Elles partagent souvent les mêmes locaux et travaillent de pair. Pourtant, pas toujours évident d’informer et de mobiliser à la fois la communauté LGBTQI+ et le grand public. L’équilibre est difficile à trouver entre les relations presse et le souhait des victimes. 

Il faut les écouter, savoir vraiment ce qu’elles veulent. Il ne faut pas les brusquer en arrivant en nombre !” rappelle le militant de Girofard. La mobilisation est globale : “On travaille aussi avec les commerçants, toutes les personnes liées à la communauté LGBTQI+. Ça fait beaucoup de monde…” Du côté des autorités, Laurent Turbiez reconnaît des difficultés: “On veut nouer de bonnes relations avec les associations mais certaines ont des a priori sur la police. Évidemment, nous, on doit leur montrer un autre visage. » Pour cet ancien gendarme réserviste, le travail en intelligence collective rendra leur action plus percutante.

L’édition 2019 de la Quinzaine de l’Égalité à Bordeaux a été l’occasion d’une rencontre entre associations LGBTQI+, policiers et gendarmes. (Crédit photo : Flag!)
Infographie réalisée par : Jeanne Maisiat

Une confiance à gagner

Cet esprit collectif s’est illustré une première fois en mai dernier. À l’occasion de la Journée mondiale contre l’homophobie, l’association a inauguré une cellule d’écoute et d’accueil des victimes d’agressions homophobes et transphobes au commissariat de Bordeaux. Un dispositif unique en France. Pour le renforcer de nombreuses associations ont été conviées. Girofard bien sûr, mais aussi Wake Up et Trans 3.0. pour recueillir leurs propositions. 

Depuis sa création, ce service a enregistré une quinzaine de plaintes. Laurent Turbiez se félicite : “ La parole se libère, les gens ont de plus en plus confiance en la police. C’est ensemble qu’on va pouvoir faire en sorte que les gens portent plainte et qu’ils se sentent plus en sécurité à Bordeaux.” Une préoccupation qui fait écho à celle de Tristan Poupard : Pour paraphraser un sociologue, “pour exister il faut être une donnée chiffrée” et cela passe uniquement par la plainte, même pour des agressions verbales de rue. Or, la plupart des personnes ne le font pas. «  À défaut, les réseaux sociaux rendent “visibles les agressions transphobes, donc ça peut faire bouger les institutions et débloquer des moyens pour réussir à combattre l’intolérance et la violence.” 

Après le soutien personnel et le suivi juridique vient le “temps de revendications”. Tristan Poupard annonce un rassemblement mardi prochain, à 18h place de la Comédie en soutien à “Nana”, la jeune femme transgenre agressée dimanche 8 décembre. 

Marie Montels et Juliette Pierron.

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