Grève des pompiers : « Nous voulons faire à nouveau le métier que nous aimons»

Les pompiers de la Benauge, caserne bordelaise, craignent de perdre leur régime spécial de retraites, fondé sur la prise en considération de la pénibilité de leur travail. Mobilisés depuis le mois de juin, ils déplorent surtout la dénaturation de leur travail.

Sur les camions de la caserne, des pompiers ont laissé des messages : « En grève » , « Manque de moyens», « Stop agressions ». Ecrits avec du blanc d’Espagne bien visible, ils ont été un peu effacés par la pluie qui, comme les interventions d’urgence, ne s’arrête jamais aux yeux des pompiers. Tout comme la grève des soldats du feu, qui se poursuit depuis juin dernier.

Pour les pompiers de La Benauge, il est indispensable de réhabiliter l’image des pompiers, parfois « méprisés ». Crédit photo : Alexis Montmasson

Derrière les phrases chocs mises en valeur sur leurs pancartes, les pompiers ont des revendications de fond.

La reconnaissance de leur profession comme « métier à risque ».

Ce statut, dont bénéficient déjà d’autres corps de métiers (policiers, gendarmes), permettrait une revalorisation de la « prime du feu » touchée par les pompiers, de 19 % à 28 % du salaire. Plusieurs pompiers de la Benauge interrogés déclarent ne pas rechercher ce bénéfice en particulier. Une meilleure reconnaissance de leur métier par la société est déjà un objectif en soi.

Le recentrage de leurs missions

Au quotidien, les pompiers continuent d’assurer des missions dites  « régaliennes » (incendies, secours routier), mais doivent aussi intervenir sur des missions dites de « SUAP » (secours d’urgence aux personnes). Ils remplacent alors le SAMU ou les ambulanciers en manque d’effectif pour effectuer notamment des interventions de « relevage » (malaises, chutes). Ces missions dites de « carence » sont souvent perçues par les pompiers comme un détournement de leur métier. 

 

Crédit infographie : Mathilde Loeuille

« Aujourd’hui c’est plus de 60 % de nos interventions. J’aimerais vouloir refaire le métier que j’aime, tel que je l’aime. », déplore Vincent*, un pompier. « S’il n’y avait pas cette surcharge de travail, les pompiers de Gironde ne seraient pas en sous-effectif. ». Le nombre d’interventions des pompiers du département a fortement augmenté ces quinze dernières années.

Une troisième revendication s’est greffée aux premières, au fur et à mesure de l’avancée des débats gouvernementaux sur la réforme des retraites : la préservation de leur régime spécial, fondé sur le principe des « bonifications ».

Les bonifications, qu’est-ce que c’est ?

Il est possible pour un sapeur pompier professionnel de partir en retraite anticipée à l’âge de 57 ans. Le principe est simple : les pompiers sur-cotisent tout au long de leur carrière. En échange, tous les cinq ans, leur système de cotisations leur permet d’avancer d’un an leur départ à la retraite. « Nous voulons préserver cet acquis social, mais en aucun cas il ne doit être considéré comme un privilège. Pouvoir bénéficier d’une retraite anticipée est un avantage, mais sûrement pas un don. », argumente Thomas*.

Dans son allocution devant le CESE prononcée ce 11 décembre, Edouard Philippe a promis que les pompiers, « exposés à des fonctions dangereuses dans le cadre de leurs fonctions régaliennes », garderont ce bénéfice de dérogations d’âge de départ. Vincent réagit à cette annonce : « C’est globalement une bonne nouvelle. Mais à l’heure actuelle, c’est compliqué pour calculer nos futures pensions de retraite, en particulier pour mes collègues nés après 1975». Les travailleurs nés entre 1975 et 2004 n’auront que 70 % de leurs retraites calculées selon l’ancien système. Au sein de la caserne de La Benauge, il y aura des grévistes aussi longtemps que les syndicats déposeront les préavis. « Il y a de fortes chances pour qu’ils reconduisent la grève en janvier prochain, nos deux revendications principales sont encore à l’ordre du jour. », explique Vincent.

Une grève d’usure

La grève, « fatigante », « usante », est donc partie pour durer. Non sans amertume, et à demi-mot, Vincent finit par dévoiler la pièce manquante de leur lutte :  « Les officiers supérieurs ne nous suivent pas. » Il doit l’avouer, les pompiers n’exercent concrètement « aucune pression » à l’heure actuelle sur l’État, puisque la loi les oblige de maintenir leurs interventions. Leur grève manque parfois de visibilité. « Malheureusement, il y a encore des gens qui découvrent seulement aujourd’hui, après six mois, que nous nous mobilisons».

La flamme devant La Benauge continue malgré tout d’être ravivée chaque jour, et avec elle l’espoir de ceux qui l’alimentent.

Alexis Montmasson

*les prénoms ont été modifiés.

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