À gauche, le « progressisme » balance entre continuité et rupture.

Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron veulent incarner le « progressisme » politique. Mais que signifie réellement ce terme quand il est défendu par deux candidats aux programmes aussi divergents ?

Pour Vincent Martigny, chercheur et maître de conférences en sciences politiques, la notion de « progrès » se distingue selon la gauche « radicale » de Mélenchon et « réformiste » de Macron.

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Emmanuel Macron, ou le progressisme « dans la continuité ».

Le candidat Macron, qui ne se revendique ni de droite, ni de gauche, est un progressiste réformateur.

Emmanuel Macron souhaite faire des ajouts au système, mais il ne le juge pas néfaste tel qu’il fonctionne – Vincent Martigny

Concernant sa politique économique, Macron n’est pas dans une réelle rupture mais poursuit des réformes allant dans la continuité du gouvernement socialiste. En cette période de dépense publique, d’accroissement du déficit et de compétitivité internationale, Macron souhaite réaliser des coupes budgétaires et renforcer l’attractivité économique du pays, notamment pour les entreprises internationales en favorisant le libre-échange. Il défend cette idée au sein d’une politique pro-européenne.

Extrait de son programme politique sur les questions européennes.
Extrait de son programme politique sur les questions européennes.

Il milite pour une participation de l’État à l’effort des entreprises. S’il est élu, il entend ainsi établir un plan de 50 milliards d’euros pour l’investissement. Cette démarche pour la croissance et l’investissement s’inscrit donc bien dans la continuité de celle du quinquennat, où Macron s’est illustré en tant que Ministre de l’Économie : le gouvernement Hollande avait ainsi réduit les cotisations sociales, dans l’optique de revitaliser les entreprises, par deux mesures phases : le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et le Pacte de responsabilité. Macron n’a donc pas vocation à renverser le système libéral établi puisqu’il cherche à l’ajuster, comme le souligne plus haut Vincent Martigny.

Le progressisme selon lui est d’ordre sociétal. C’est précisément sur ce point qu’il souhaite se rapprocher des électeurs de gauche. Il veut optimiser l’accès au marché du travail, en démocratisant éducation et culture, qui est le premier point de son programme.

Premier point mis en avant dans son programme.
Premier point mis en avant dans son programme.

Point d’honneur de son programme : rétablir l’égalité des chances. La priorité est donnée à l’école primaire, à plus d’autonomie éducative pour les établissements et les enseignants et au renforcement de l’apprentissage. En somme, il se base sur la méritocratie républicaine, grande divergence avec la gauche de Mélenchon.

Bien qu’il se définisse « antisystème », Emmanuel Macron est en phase avec une politique social-libérale telle qu’incarnée par le gouvernement de François Hollande. Macron entend donc « progresser » sur la base de la mondialisation et de la libéralisation, sans pour autant bouleverser l’ordre établi.

Jean-Luc Mélenchon, ou le progressisme « dans la rupture ».

Mélenchon est un radical. C’est surtout quelqu’un qui n’a pas renoncé à réformer le système tel qu’il est – Vincent Martigny

La proposition du candidat de la France Insoumise réside, au contraire, dans le bouleversement structurel. Contrairement à son opposant Macron, Mélenchon n’entend pas « ajuster le système », comme le souligne plus haut Martigny. Face aux dysfonctionnements des politiques de croissance et des politiques libre-échangistes (comme la précarisation du marché du travail), sa politique progressiste consiste dans le renforcement des acquis sociaux et dans la transparence des institutions. Il s’attache donc à la lutte pour la préservation de ces acquis et appuie ainsi sa radicalité. De plus, il souhaite une plus grande participation citoyenne et milite pour un dialogue social et politique renforcé. Cela implique une rupture institutionnelle : son projet de VIème République.

Extrait de la synthèse se son programme : création d'une VIème République, plus de transparence dans les instances
Extrait de la synthèse se son programme : création d’une VIème République, plus de transparence dans les instances démocratiques

Le progressisme de Mélenchon passe avant toute chose par un plus grand encadrement de l’entrepreneuriat, s’appuyant, notamment, sur une politique protectionniste, qu’il appelle « protectionnisme solidaire ». Exactement là où Emmanuel Macron incarne la continuité avec le gouvernement en place. Dans cette optique protectionniste, Mélenchon propose de diminuer les écarts de salaire de 1 à 20 dans le secteur privé.

Il incarne donc, avec Benoît Hamon, l’idée d’un progressisme égalitariste, attaché à la lutte des classes, inspiré du marxisme et du syndicalisme, que social-libéralisme et droite libérale n’envisagent pas.

Kathleen Franck

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